Stjepan ouvre les yeux, et découvre avec horreur que ses camarades gisent autour de lui, morts. A quelques mètres de là, une voiture semble avoir été elle aussi touchée par l’obus. Immobile, tout comme ses occupants, excepté un bébé. Après quelques minutes d’hésitation, Stjepan s’empare de l’enfant et décide de l’emporter dans sa fuite vers la survie.
L’histoire se déroule de nos jours, dans un pays en guerre : probablement un pays de l’Est, comme le suggère le titre, Škoda, nom d’une marque de voiture Tchèque. Stjepan est un jeune soldat qui ne se fait guère d’illusions sur l’issue de son périple, mais qui tente coûte que coûte de s’en sortir après le bombardement qui lui arrache sa compagnie. Un obus tombe, et Stjepan se retrouve en position de protecteur, alors qu’il occupait le terrain comme chasseur d’ennemis. Qui plus est, laissant son fusil, il s’encombre d’un bambin qu’il faudra nourrir, réchauffer et changer.
Dans ce très court roman, Olivier Sollig ramène son personnage à ce qu’il y a d’essentiel. Protéger la vie, protéger le plus faible devient l’unique raison d’avancer du soldat. Il ira jusqu’à accepter de marchander son corps pour obtenir du lait. En gage d’ultime humiliation, c’est son bourreau qui lui donnera quelques conseils pour s’occuper du nourrisson.
« Stjepan sourit, mais dans cette nuit noire il est seul à le savoir. »
Stjepan va de rencontres en rencontres et alors qu’il aurait aimé voir mourir certaines personnes, il sera amené à se séparer de celles qu’il aurait voulu garder auprès de lui. Rien n’est donné à Stjepan, et même ce qu’il a obtenu ne peut être possédé entièrement.
L’écriture de Škoda est aussi efficace que son histoire : précise, animale tant elle se colle à l’existentialisme qui règle entre ses lignes. Mais elle peut être étonnamment tendre aussi, soulignant davantage encore le contraste entre l’ignoble guerre et la terrible jeunesse : » Škoda n’est pas la chair de Stjepan, mais Stjepan le ressent presque ainsi. Ca le fait frissonner. Ses petits tétins de garçon de vingt ans sont durs. Un instant, il croit presque à une montée de lait. Il approche la bouche de l’enfant et le laisse téter. Juste un instant, parce qu’il n’a rien à lui donner, et qu’il en a un peu honte. Il ne faut pas se moquer des tout-petits, pas se moquer des enfants. « Je ne me moquerai plus jamais de toi, petite hirondelle. » »
Dans Škoda, le pauvre héros qui n’est finalement pas autre chose qu’une victime du système et de la folie humaine ne peut savoir, au moment de ses actes, ce qu’il adviendra de lui ensuite. Il avance comme on ère à la recherche d’une lueur, sans en avoir l’espoir. Un ouvrage qui ne ment pas, et n’en a pas le moindre désir. Une petite perle.
Skoda, Olivier Sillig, Buchet-Chastel, Septembre 2011, 102 pages, 11 euros.
Je le note dans un coin… Je n’étais pas tentée, mais ton avis me convainc un peu. 🙂