En 2003, Sylvain Tesson a parcouru à pied, à cheval et à bicyclette, le chemin de ceux qui, pendant un demi-siècle, ont fui le Goulag ou l’oppression soviétique. Ce rude voyage de huit mois, à la rencontre des survivants du système concentrationnaire, est une célébration de l’esprit d’évasion et un hommage à ceux qui choisissaient la liberté au prix du froid, de la faim, de la solitude.
Sylvain Tesson est un être formidable. Il a lu A marche forcée de Slavomir Rawicz. Cet homme relatait sa propre évasion depuis le Goulag jusqu’en Indonésie. On sait que ce récit est en partie sujet à caution, non seulement grâce à certains détails géologiques, mais également parce que Rawicz n’aurait pas vécu lui-même cette aventure, mais se serait contenté de raconter celle d’un autre. Après tout peu importe car on sait aussi que des hommes ont fait ce parcours, et que certains sont morts avant de l’avoir terminé. Cela a suffit à Sylvain Tesson pour entreprendre lui-même ce voyage, avec les quelques avantages qu’il s’est octroyé, c’est à dire peu : une bicyclette pour une petite partie du voyage, un cheval pour une autre, et la carte de l’emplacement des points d’eau. Hormis cela, rien que son courage, et sa liberté.
Ainsi, le voilà parti pour 6000 kilomètres de périple, notant ici ou là le fruit de ses rencontres, de ses réflexions, avec parfois pour compagnon Thomas Goisque dans le rôle du photographe. On traverse avec lui les steppes, les marais, le gobi, les rivières, les forêts dans lesquelles on accroche un sac à dos en haut des arbres tous les soirs, pour protéger les provisions des ours, on escalade, on nage, on observe les pélerins, on les accompagne, et… on apprend.
On est frappé tout d’abord par cette merveilleuse bienveillance du voyageur qui approche d’un lieu inconnu avec le désir non pas de le soumettre, mais de connaître. Il y a aussi cette fascinante volonté comme moteur de l’expédition. Cette foi, aussi, en des êtres disparus, cet hommage qui leur est rendu. A sa manière, Sylvain Tesson est un pélerin : ni religieux, ni conquérant, c’est avant tout un pélerin en quête de paix et de liberté, un voyageur éclairé qui connaît la valeur de ce qui est donné par la nature et les gens, et l’abominable atrocité dont est capable le genre humain, malgré tout. On lit, on regarde, et on respire mieux.
Sous l’étoile de la liberté, Sylvain Tesson/Thomas Goisque, Arthaud poche, mars 2011, 160 pages, 6,90€