HhhH. Quatre lettres identiques comme un mantra haineux, horrible, hallucinant, honteux. Nous sommes bien loin du « M » prononcé assis en tailleur, l’esprit zen et libéré. Ce titre, aussi mystérieux qu’attirant signifie Himmlers Hirn heißt Heydrich, autrement dit : « le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich ».
De là à croire que l’homme le plus dangereux du Reich est élevé ici, par un littéraire passionné d’histoire, au rang de héros, il n’y a qu’un pas… à ne pas franchir.
Ce que Laurent Binet illustre en pointant ce monstre, c’est sa mort par l’attentat -pourtant raté- perpétré par deux résistants tchèque et slovaque, envoyés en mission spéciale par Londres.
Le lecteur découvre au fil des pages ce que l’auteur a finalement offert à Gabcik et Kubis, les deux acteurs de cette bravoure : grâce à lui, en bons résistants oubliés de la grande Histoire, ils se sont embusqués, infiltrés par la petite porte littéraire, se sont frayé un chemin vers la mémoire. Eux qui ont résisté des heures avec une poignée de leurs confrères, tels des Sysiphe, à une horde de SS.
On pourrait lui reprocher tant de choses : sa complaisance, la paradoxale et éternelle autocritique qu’il s’inflige publiquement, sa jalousie… Mais Laurent Binet, par ce premier roman extrêmement réussi et captivant, se fait le dépositaire de la mémoire des oubliés de la Résistance.
Honneurs à l’Homme qui ne put rendre, par honnêteté, à cette Histoire une fin heureuse.
HhhH, Laurent Binet, Grasset, Janvier 2010, 441 pages, 20,90 Euros
Voir également l’entretien avec Laurent Binet ici.
Je découvre ton nouveau blog, très bien présenté.
Ce livre de Laurent Binet était bien mis en valeur dans une librairie de la rue Mouffetard (L’Arbre à Lettres) et j’ai parcouru la quatrième de couverture pour en savoir un peu plus – le titre interpelle forcément… L’histoire semblait intéressante mais je craignais une nième histoire sur la seconde guerre mondiale, bien documentée, mais sans grand soucis du style. Est-ce finalement le cas ?