Dans le dernier roman d’Alain Paucard, il y a une jeune femme à la fois cinéaste indépendante à peine sortie de l’école et sexy-girl dans un peep-show. Quand elle s’exhibe derrière une vitre pendant que les clients se masturbent, elle s’appelle Cynthia. Le reste du temps, elle se prénomme Charlène.
La quatrième de couverture nous prévient d’emblée que l’auteur « dresse un superbe portrait de femme intelligente, fine, mais trop pressée ». Quel drame va donc se dérouler sous nos yeux ?
Plus qu’un drame, Alain Paucard espérait sans doute peindre une tragédie. A ceci près que Cynthia n’apparaît pas comme une tragédienne mais comme une vulgaire putain « je suis bien obligée d’appeler ce que je pratique avec des hommes pour de l’argent, de la prostitution » (p. 119) qui avoue tout en même temps vendre l’impensable pour du fric destiné à l’achat d’une caméra, mais parfois aussi destiné à des fringues, et n’être « pas du tout escalve de (ses) désirs », et que Charlène, à force d’être trop pressée n’apparaît ni fine, ni intelligente, mais figure plutôt comme la reine des idiotes. Entendez bien : s’il suffit d’être trop pressée pour finir « le cul plaqué sur (une) vitre » en « écartant les fesses » et «montrant son anus » puis à l’article de la mort, torturée par des dealers de drogue, alors nous sommes toutes de la graine de cimetière. Si le personnage insipide et lamentable de Alain Paucard avait été intelligent, il aurait compris le danger de son déclin avant qu’il ne survienne. Sa seule intelligence consiste peut-être à trouver plus bête qu’elle. Evidemment.
Pis encore : Si Cynthia-Charlène (excusez le choix des prénoms, un brin cliché) est un portrait social, alors à sa lecture plus aucune élève cinéaste ne voudra se lancer dans le métier ! A suivre des yeux ce parcours nauséabond et glauque, radicalement phallocrate et tendancieusement misogyne, l’artiste, pourvu qu’il soit une femme, est condamné à exercer son art en tirant d’abord profit de son cul, sinon rien.
Un second degré eut peut-être été acceptable, si Monsieur Alain Paucard n’avait pas été un homme. Mais ne relançons pas le débat éreintant de l’homme pornographiant la femme avec ses yeux d’homme à la première personne du féminin. Ce serait absurde ici, autant que l’ouvrage. Au moins reste-t-il, pour sauver l’honneur, cette émasculation volontaire et radicale d’un homme non moins sot que sa dulcinée : peut-être est-il là pour rééquilibrer les sexes, si l’on peut dire.
La pornographie, c’est la pornographie : à sa manière, si elle est ambitieuse, elle peut-être respectable. Le roman populaire, le roman social, sont des genres tout à fait respectables, aussi. Mais faire un roman porno-socio-populaire demande un grand talent : il eut fallu, pour que l’entreprise réussisse, que le personnage soit à la hauteur de ce qu’on prétendait qu’il fut, et pas seulement un personnage de foire littéraire exhibé dans son déclin le plus désastreux, le plus prévisible, et le plus irréel.
Le titre appelait la curiosité. La vraie question est : qui est Alain Paucard ?
« Curieuse », Alain Paucard, L’Editeur, Juin 2010, 200 pages, 15 €.