Esclarmonde, en 1187, choisit d’être emmurée à la chapelle attenante du Domaine des murmures plutôt que de dire oui à son promis : elle préfère dire oui au Christ, et renoncer au monde des vivants. Des murs du Domaine monte sa voix, qui raconte son parcours ce qui lui fit un jour regretter d’avoir fait ce choix.
Le récit du dernier roman de Carole Martinez prend place au moyen-âge, où les femmes étaient tantôt considérées comme tentatrices, tantôt comme sorcières, tantôt comme saintes. En prenant possession du statut de recluse, Esclarmonde, ne va pas seulement prendre la place de la Sainte, ni s’écarter du Monde. Elle va au contraire l’éclairer de sa voix pure, malgré le lourd secret qui pèsera sur ses épaules.
Comme dans son premier roman, Le Coeur Cousu, Carole Martinez aborde la condition des femmes par rapport aux hommes, mais également par rapport à leur époque. Elle revient sur les thèmes qui ont fait toute la beauté de l’histoire de Frasquita : la lumière, la maternité, la volonté des femmes, et surtout les voix, les voix qui deviennent ici le personnage principal, à travers Esclarmonde.
C’est en effet par les yeux d’une recluse que Carole Martinez nous donne à voir le monde, et jusqu’aux chevauchées de son peuple envoyé par elle non pas dans le but de conquérir mais dans le but de taire, on verra tout du destin de ceux qui habitent le château.
Femme jouée et libérée, femme recluse et emmurée, les personnages féminins de Carole Martinez portent en eux une force peu commune dans la littérature francophone. Elles sont chargées de leur destin, et avec lui du destin de toutes les femmes, comme un flambeau dressé. Chez les personnages de Carole Martinez, cela semble être un caractère inné, encré là parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire que de l’écrire puisqu’il existait déjà avant, et qu’il s’est échappé de la main de l’auteur.
Esclarmonde, c’est la volonté incarnée, la volonté faite femme, et toutes les volontés à genoux devant elle. Femme crainte, adulée, Sainte jalousée, Esclarmonde du fonds de sa tombe murmure encore ce qu’il fallait pourtant taire au monde.
Du domaine des murmures, Carole Martinez, Gallimard, Septembre 2011, 201 pages, 16,90 euros TTC.
=> Carole Martinez a obtenu le prix Goncourt des lycéens 2011 pour son ouvrage Du domaine des murmures. Les lycéens ont donc du goût, et n’ont pas peur de prendre de la hauteur. Tout n’est pas perdu.
il est chez moi ce roman, j’ai rencontré Carole Martinez qui est vraiment extraordinaire, et tellement simple et naturelle… une belle rencontre, et une envie très forte de vite me plonger dans ce roman…
Un super livre, qui montre que les auteurs français ont beaucoup d’imagination, même si, dans l’avalanche de titres, on n’en a pas toujours l’impression !