Parole aux éditeurs : Editions du Chemin de Fer

Pour ce premier entretien avec un éditeur indépendant, j’ai choisi de donner la parole aux éditions du Chemin de Fer. Vous avez certainement croisé en librairie ces petits livres aux textes courts, illustrés, à la couverture si agréable.  François Grosso a bien voulu répondre à mes questions sur un métier passionnant et difficile. 

Depuis combien de temps existe la maison d’édition ?

Les premiers livres ont paru en novembre 2005. Sept ans bientôt.

Quelle est votre ligne éditoriale ?

Nous publions des textes courts, illustrés par des plasticiens à qui nous donnons carte blanche. Depuis février dernier est née une nouvelle collection, Le Cheval Vapeur, où les textes sont confiés, selon ce même principe de carte blanche, à des graphistes.

Comment êtes-vous venu à cette activité, pourquoi être éditeur ?

Pour publier des textes qu’on aime, par amour du livre bien fait, parce que la tradition du livre illustré se perdait, nous souhaitions la dépoussiérer. Chaque livre est une nouvelle proposition, un mariage entre le texte et l’image. Et nous publions essentiellement des nouvelles. Vouloir montrer que la nouvelle est un texte à soi seul, qu’elle n’a pas besoin du recueil pour exister en livre. Je pense que la nouvelle, dans sa démarche d’écriture, dans son exigence, dans l’effort et la participation qu’elle demande au lecteur, est beaucoup plus proche de la poésie que du roman.

Selon vous les conditions se sont durcies depuis quelques années ?

Quand nous avons commencé, les conditions étaient déjà difficiles. On ne fait pas ce métier pour s’enrichir, ça se saurait !

Vous sentez-vous « petit » éditeur ? Qu’est-ce qui définit ce rang selon vous ?

Oui petit, c’est bien. C’est aussi une façon d’être, un mode de vie. Ne pas céder aux sirènes de la consommation, de l’éditer à tout prix, du devenir gros en écrasant les autres s’il le faut. Juste arriver à tenir un équilibre, y compris financier, en publiant ce qu’on aime.

Pouvez-vous nous parler des libraires ? 

Ah, les libraires, il faudrait des pages et des pages. Nous faisons partie de ces éditeurs qui avons toujours connu la crise du livre et de la librairie. Donc de ces éditeurs conscients que l’avenir de la librairie indépendante est aussi notre avenir. Donc de ces éditeurs qui disent et répètent tout haut tout le bien qu’ils pensent des libraires indépendants. Mais qui passent leur journée à pester contre ces mêmes libraires. Qui nous envoient promener. Qui ne paient pas leurs factures. Qui nous demandent les mêmes conditions qu’aux gros diffuseurs-distributeurs, sans nous traiter avec un minimum d’égards. Le paradoxe est là.

Comment voyez-vous l’avenir ?

En rose.

Que pensez-vous du numérique ?

Rien.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de la hausse de la TVA au début de l’année ?

J’ai pensé qu’au delà du débat politique – un gouvernement de droite, qui fait peu de cas de la culture, pouvait légitimement augmenter la TVA – cela faisait preuve d’une incroyable méconnaissance de la chaine du livre : mettre en œuvre cette augmentation a été un casse-tête qu’il va falloir recommencer dans l’autre sens prochainement.

Comment vivez-vous les salons en général ? Différenciez-vous le salon du livre des autres salons ? Et pensez-vous que les organisateurs voient une différence entre vous, et les autres éditeurs ?

Nous vivons bien les salons… quand ils marchent bien. Attendre toute une journée que quelqu’un s’intéresse aux livres, c’est long parfois. Mais dans l’ensemble c’est un plaisir, de belles rencontres, heureusement car les salons, c’est presque un week-end sur deux.

La vraie différence entre le salon du livre de Paris (de Bruxelles, de Genève) et les autres, c’est le coût et l’accueil. Partout ailleurs, nous avons le sentiment d’être les bienvenus. Dans ces gros salons, on est un numéro de stand parmi des centaines d’autres.

 A quelle fréquence publiez-vous vos ouvrages durant l’année ?

Nous publions sept à huit livres par an, en deux fois, au printemps et à l’automne. Parce que nous assurons nous-mêmes la diffusion-distribution. Nous appelons deux fois par an les libraires.

Propos recueillis par Stéphanie Joly

Site internet des éditions du Chemin de Fer

Paru le 17 septembre : Wakefield, de Nathaniel Hawthorne mis en page par Lena Araguas et Fabrice Mabime

A paraître le 6 novembre :

La fête sauvage, de Annie Mignard & Emmanuel Tête
Bibiche, de Albertine Sarrazin & Annabelle Guetatra

 Article initialement paru dans PILC Mag n°9

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.