Les enfants nous regardent, de Vittorio de Sica (1942)

Les enfants nous regardent (I Bambini Ci Guardano), dont le titre Belge est « La faute d’une mère » est un film signé Vittorio de Sica, datant de 1942. Le réalisateur est un des représentants du cinéma italien des années 30 aux années 70.  Il s’agit d’un drame social qui parle de quelques sujets fortement déconseillés, et donc courageux, à cette époque où Mussolini était au pouvoir : le suicide, le divorce, l’enfance malheureuse, l’adultère féminin.

L’histoire de Pricò est simple, et paraîtrait complètement banale si elle se situait à notre époque : sa mère vit un adultère connu de tous sauf de son mari. Un jour, elle choisira la fuite avec son amant plutôt que de rester avec son tout jeune fils, qu’elle va alors laisser seul avec son père et la bonne. Le contexte est tel, à cette époque, et le divorce si peu accepté, que les deux époux ne s’affrontent pas directement. L’histoire est ainsi faite d’une fuite, d’un retour, puis d’un abandon total. Celui qui en fera les frais, c’est bien entendu cet enfant qui est témoin de tout, et semble comprendre, avec son petit regard étrangement adulte, ce qui anime ses parents : désespoir et désir se confrontent et se chevauchent tandis que Pricò assiste à l’effondrement de son propre monde.

Et c’est par ses yeux que le réalisateur décide de raconter la destruction soudaine de cette famille par un désir hors frontières, par un élan plus fort que l’amour maternel, jusqu’au drame final, grandiose, inattendu puisque jusqu’à présent les italiens étaient montrés sous leur jour le plus valeureux, le plus macho aussi.

Le sujet est courageux, son traitement est ambitieux. Le réalisateur joue beaucoup avec sa caméra, usant tantôt de plans photographiques, tantôt de gros plans sur les regards et les visages, tantôt valsant avec les personnages qui emportent la caméra avec eux au cours d’une scène. Mais il insiste en tout cas sur ce qu’est l’enfance déchue, le temps de l’enfance révolu, sabré net par des adultes qui abandonnent, démissionnent de leur rang de parent.

Les enfants nous regardent est construit comme une tragédie mais c’est un drame. Tout aurait pu être évité, mais l’on ne sait comment. Et en même temps, Vittorio de Sica ne nous invite guère à juger. Il nous donne à voir la détresse d’un petit être remarquablement incarné par Luciano De Ambrosis, dont on regrette la trop pauvre carrière. Ce film est une merveille, à nouveau disponible en DVD grace à Tamasa.  Jetez-vous sur ce grand film avec lequel Vittorio de Sica a fait son entrée dans l’erre du néoréalisme.

Disponible depuis le 16 octobre.

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.