Au commencement, il y a Stiva Oblonsky (Matthew MacFayen), chez le barbier, mais sur une scène de théâtre, autour duquel ledit barbier semble jouer une danse de matador dont vous êtes le héros, en la personne du rasoir.
Les scènes s’enchaînent alors d’une étrange manière : les personnages semblent ne pas devoir changer de pièce puisque c’est le décor qui change pour eux. Les murs sont meubles, et la caméra tournoie autour d’acteurs servis par cet environnement mouvant, ennivrant.
Est-ce là un habile subterfuge du réalisateur (Joe Wright) ? Il semble en effet avoir voulu profiter des attributs du théâtre pour adapter au cinéma l’un des romans russes les plus monumentaux. Comment s’épargner le temps passé dans l’installation des personnages dans un élément, un décor, si ce n’est en remplaçant le décor lui-même ?
Anna Karenine vu par Joe Wright, c’est l’abolition de la lenteur, la passion transformée en tourbillon, qui prend naissance en une scène de bal gigantesque et flamboyante, absolument divine, dont la valse diabolique signée Sidi Larbi Cherkaoui vous donnera le vertige. Car tout est rythmé, chorégraphié et magiquement scandaleux !
Pour qui n’a pas lu Anna Karénine de Tolstoï, on s’imagine bien la lente avancée du roman, l’imprégnation des personnages et des sentiments, les dialogues politiques, le cheminement imperceptible et tortueux vers l’adultère d’une des femmes les plus respectées de la bourgeoisie russe, le poison du qu’en dira-t-on s’insinuant peu à peu dans les veines des protagonistes, jusqu’à l’issue sans surprise d’une tragédie orchestrée par la langueur.
Ce film-là est un défi qui va à l’encontre de l’oeuvre originale, qui sait lui rester fidèle tout en la bousculant, la remaniant soigneusement pour en faire un film éclatant.
Anna Karénine est un film puissant, qui bouscule l’imaginaire. Il y a, dans cette version de l’oeuvre de Tolstoï, quelque chose de fantastique, de Burtonesque. Joe Wright a eu un culot monstre, en offrant un chef-d’oeuvre fait de glace et de feu. Une merveille ingénieuse d’une beauté à couper le souffle.
- Date de sortie: 5 décembre 2012 (2h 11min)
- Réalisé par: Joe Wright
- Avec Keira Knightley, Jude Law, Aaron Taylor-Johnson plus
- Genre: Drame
- Nationalité: Britannique
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