Et pour quelques hommages de plus ?
Peu avant la Guerre de Secession, Sud des Etats-Unis. Django, un esclave parmi tant d’autres est libéré puis affranchi par un chasseur de primes allemand. Devenu chasseur de primes à son tour, il se lance aux côtés de son bienfaiteur à la recherche de sa femme. Il devra alors s’opposer à un riche propriétaire, Candie, pour retrouver celle qu’il aime.
Le bon…
Il était une fois un féru de cinéma qui travaillait dans un vidéo-club. Il se nourrissait chaque jour un peu plus de la multitude des genres qu’offraient le septième art : films noirs, films de sabre, westerns, icônes des pulps, films de guerre et même les séries B les plus singulières comme les films Grindhouse. Poussé de plus en plus par une verve créatrice, il écrivit ses premiers scénarios (True Romance notamment) puis sur sa lancée, passa derrière la caméra. Avec Harvey Keitel en tête d’affiche, il rassemble tous les suffrages avec Reservoir dogs film noir énervé dans la lignée de L’ultime Razzia d’un certain Stanley Kubrick.
Fort de ce succès, il se lance dans un univers visuel truffé de références aux genres qu’il affectionne, attire le gratin des acteurs d’Hollywood et entre dans la gotha des auteurs indépendants de la scène cinématographique d’Outre Atlantique.
Sa démarche empreinte de générosité fait souffler un vent nouveau, lui qui remet au goût du jour des classiques oubliés par le plus grand nombre. Le public adhère au doux parfum rétro d’un art un tantinet nostalgique, délaissant la vague formatée du cinéma populaire des années quatre-vingt et ses héros body-buildés.
La brute
Et le public suit donc avec attention une touche jugée audacieuse et révolutionnaire. Car la touche Tarantino, c’est une méthode éprouvée depuis maintenant huit long-métrages. Prenez un genre quelconque, versez plusieurs doses référentielles aux films majeurs dudit genre, transformez le scénario en forme de pastiche, ajoutez de longues joutes verbales, saupoudrez avec le thème de la vengeance, et enfin mélangez le tout avec une grande dose d’ultra-violence spectaculaire. Vous obtenez alors un cocktail détonant qui fait ses preuves depuis plus de quinze ans.
Avec Django Unchained, Tarantino applique méthodiquement la formule qui l’a porté au sommet. Grand admirateur de Sergio Leone, il s’adonne à imiter les codes du Western Spaghetti si chers au maître d’origine italienne, multipliant ça et là les clins d’œil notamment à Django le film de Sergio Corbucci. Plus qu’un clin d’œil, il va jusqu’à reprendre le titre et le nom du héros éponyme. Il reprend également la musique légendaire d’Ennio Morricone, compositeur fétiche de Leone.
On retrouve comme à l’accoutumée le thème de la vengeance, ici sur fond de critique de l’esclavage. Les dialogues acidulés, véritables joutes verbales (notamment celle opposant Di Caprio à Christopher Waltz), eux, se terminent irrémédiablement dans une explosion de chairs et de viscères, le réalisateur persiste dans sa mise en scène agressive au sens propre comme au figuré.
En outre, la direction d’acteurs qui lui est si chère, se retrouve ici principalement portée par le jeu de Christopher Waltz qui ferait presque passer notre cher « Django » pour un faire-valoir.
…Et le truand
Si ce dernier point ne pourrait être que le bémol inhérent à une critique dithyrambique, il n’est en fait que le point de départ d’une remise en question globale de l’œuvre du réalisateur. Effectivement, malgré la composition savoureuse de Christopher Waltz, la direction d’acteurs si efficace habituellement s’essouffle au bénéfice d’une interprétation tendant à une exagération désagréable. Hors, le jeu des acteurs si méticuleux chez Tarantino, premier ressort dramatique à ses débuts, devient désormais le pilier d’une vaste farce.
Vaste farce en outre à la morale douteuse. Sans être un pieux défenseur de la morale judéo-chrétienne, on ne peut être qu’interpellé par l’orientation idéologique adoptée par Tarantino depuis Kill Bill. Après avoir montré Uma Thurman assassinant sa rivale devant sa propre enfant puis Brad Pitt interprétant un officier allié employant des méthodes dignes des nazis, Tarantino poursuit sur cette lancée plus que litigieuse avec son héros, ancien esclave qui va accomplir les pires ignominies au nom de sa vengeance. Si le thème de la victime devenant bourreau est fréquente sur grand écran, il devient de plus en plus litigieux entre les mains du réalisateur de Pulp Fiction. En y mêlant des « grands sujets » , il tend vers une logique des plus nauséabondes. Pis encore, cette logique est rendue possible par la complicité jumelle de sa mise en scène et de l’approbation du spectateur.
En outre, la démarche référentielle aux différents genres, entre respect et hommage, laisse de plus en plus la place à une mise au pilori. Car à l’instar de Wes Craven avec sa saga Scream et Stephen Chow l’auteur de Shaolin Soccer, Tarantino ne se limite plus au pastiche révérencieux, mais se tourne vers une forme de parodie destructrice de ces mêmes genres qui ont fait sa gloire. L’humour de situation a fait place depuis Boulevard de la mort à un rire gratuit et condescendant. Tarantino ici ne rend pas hommage, il ne fait que suivre l‘opinion populaire qui a depuis longtemps rejeté ce que lui même a défendu. La surenchère d’effets confinant au grotesque ici appuie l’adage d’un plus grand nombre comme quoi le passé est démodé, affublé d’un ridicule notoire. Oui, Django Unchained multiplie les scènes de mauvais goût, à moins que Tarantino n’ait pas saisi les codes du western spaghetti. Leone lui, cherchait à bouleverser les fondements du genre, pas à l’humilier.
Pour ne pas tomber dans la mauvaise foi la plus absurde, on peut accorder à Django Unchained un honnête sens du spectacle. Mais guère plus…
Django Unchained, Film américain de Quentin Tarantino avec Jamie Foxx, Christopher Waltz, Leonardo Di Caprio. Durée 2h44. sortie 16 février 2013