
Surtout, il y a Antony, qui a tellement voulu couper les liens avec sa mère qu’il s’y est pris avec un couteau. Le résultat pur et dur est un isolement permanent dans une chambre où les murs semblent receller quelques secrets insupportables à cet habitant provisoire auquel Claire s’attache peu à peu, au point de commettre une faute toute en fuite. Il y a ce Cyclope qui hante les couloirs en promenant son oeil perspicace et inquiétant, et cette femme, qui n’en finit pas de hurler…
Le roman est ponctué d’un certain discours sécuritaire prononcé en 2008 à Antony par Nicolas Sarkozy. Il n’y a rien de purement politique là-dedans, juste quelque chose de choquant dans les propos qui sont tenus, et qui auraient pu être tenus par n’importe qui d’autre, n’importe quel autre bord politique, tant la société semble tout entière d’accord avec ce principe de mise à l’écart de certaines personnes en particulier «pour le bien général».
«Au final, on ne sait plus si vous luttez contre la maladie, ou bien contre les patients.»
Le rythme du roman et le vocabulaire évoquent un état confus, une inquiétude intermittante, des soubressauts, un affolement parfois, puis une conscience aiguë de tout ce qui se produit dans l’histoire de chacun. Le lecteur oscille ainsi entre la certitude qu’il va se passer quelque chose, et que ce à quoi il assiste est triste et dérangeant, révoltant surtout et le sentiment que chaque personnage est par ailleurs doté d’un avenir incertain, à la merci des autres et du monde, à la merci d’un système défaillant, terriblement dangereux pour ceux qu’il finit de consumer peu à peu. On peine à croire qu’il s’agit là d’un premier roman.
Quelque part dans la nuit des chiens, Sandrine Bourguignon, Sulliver, Octobre 2012, 14 euros, 160 pages.