Le chien qui louche, Etienne Davodeau

Après Les ignorants, récit d’un échange hors du commun entre un vigneron et un auteur de bande dessinée, ouvrage qui a reçu de nombreux prix, Etienne Davodeau nous revient également chez Futuropolis avec Le chien qui louche.

Ici, on pourrait presque parler d’échange une fois encore, puisqu’il s’agit surtout d’une collaboration entre les éditions du Louvre et Futuropolis. Etienne Davodeau se penche dans cette histoire assez mignonne sur le devenir des oeuvres, sur leur qualité même d’oeuvre d’art, et sur leur possible accession aux grands musées de ce monde, ici le Musée le plus visité, au coeur de Paris.

Il n’y a qu’un pas entre le Chien qui louche et le syndrome de Stendhal : ou plutôt une certaine similitude entre les deux débats, à savoir, qu’est-ce que le beau ? Qu’est-ce qu’une oeuvre d’art ? A partir de quand peut-on définir ainsi une oeuvre, à partir de quand peut-on dire ou non que c’est beau ? Outre cette interrogation, sont aussi évoquées plusieurs autres choses passionnantes : qu’est-ce qui nous attache à un lieu, artistique ici, le Louvre en l’occurrence, comme c’est le cas pour les personnages du livre ? Qu’est-ce qui fait de notre métier un métier respectable ? Quelle valeur accorder à l’héritage de la famille ? A quel moment de la vie la valeur des choses et des événements cesse-t-elle d’avoir la valeur d’antan ?

C’est à travers la découverte d’un tableau au fond du grenier de la belle famille de Fabien, gardien de musée au Louvre, qu’Etienne Davodeau explore toutes ces thématiques, tout ce qui fait l’essence même du devenir d’un objet à travers les mains qui le portent, les coeurs qui le regardent. Tout ce qui constitue en somme le travail d’un musée : porter aux yeux de tous des oeuvres inestimables qu’il convient pourtant de protéger de toutes les mains. Placer ici ou là, une oeuvre dont on ignore en fait la vraie valeur, mais qui trône ici et symbolise une certaine accessibilité d’un patrimoine pour les uns, une chance et un privilège pour les autres, une fierté pour la majorité. On en revient donc à ce fameux échange, à ce partage et cette place accordée à chacun, même au prix parfois de l’inaperçu, ou de l’ignorance.

Des sujets qu’Etienne Davodeau manie avec merveille sous un dessin en noir et blanc parfaitement dosé, assez tendre.

Le chien qui louche, Étienne Davodeau, Futuropolis, Louvre Editions, 136 pages, 20 euros

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.