Philippe Rahmy est poète, chroniqueur littéraire, spécialiste de la civilisation égyptienne, et atteint de la maladie des os de verre. Il était invité en résidence d’auteur par l’Association des écrivains de Shanghai il y a quelques années. De ce séjour auquel il ne croyait d’abord pas pouvoir se soumettre, en raison de sa condition physique, il a tiré un récit formidable à bien des aspects : d’abord parce qu’il nous fait voyager mieux que personne au coeur de cette ville, lui dont le corps est tout en retenue. Ensuite parce qu’il prend véritablement le risque de s’y briser.
La ville, immense, résonne de manière particulière en l’auteur qui s’y infiltre des bas fonds jusqu’aux beaux quartiers, attiré par cette violence qu’il ne peut se permettre et à la quelle il aspire pourtant. Béton armé n’est pas seulement le récit d’une découverte, c’est le récit d’un écho philosophique et physique assez brutal, que l’auteur transcrit avec sa plume délicate et froide. «Jamais je n’ai vu se dessiner, comme ici, l’avenir du monde», dit-il d’un pays qui refuse de voir le présent en prétextant l’âge ancestral de sa langue.
«Ecrire la Chine inconsciente d’elle-même, dans la plus grande virulence de la beauté.»
Ecrire une ville contre son gré, contre ses barrière, quand on est aussi fragile que le verre. Sous la plume rien n’est impossible à l’homme.
Verre contre béton : ici c’est la fragilité qui gagne.
Béton armé, Philippe Rahmy, Editions de la Table Ronde, Septembre 2013.