Les singes au cinéma

On a beau tourner et retourner le cinéma dans tous les sens, lorsqu’il s’agit des singes, il y a toujours un dénominateur commun à chaque histoire : quelle que soit la forme (documentaire, fiction, ou docu-fiction) soit on se retrouve avec des gens qui se battent pour la liberté des singes, grands ou petits, et bien souvent en la matière les «sauveurs» sont des femmes, soit on est face à des hommes qui, épris de soif de pouvoir font toutes les bêtises du monde conduisant à la perte des deux camps.

KING KONG

King Kong est une figure mythique du cinéma depuis les années 30 et sa première apparition sur les écrans sous la plume de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Ce film fantastique, où une poignée d’hommes découvre un gorille géant, incarnant le Dieu vivant de l’île du Crâne, le capturent et le ramènent aux Etats-Unis afin d’en faire une bête de foire, est connu de tous. Les versions ne diffèrent pas énormément (sauf esthétiquement bien sûr) entre celle de 1933, le remake de John Guillermin (1976) et l’excellente version de Peter Jackson en 2005. Je passe sur les autres, mineures et farfelues, incluant parfois une bataille de foire avec Godzilla. (!)

Dans cette histoire, rien de nouveau sous la lune : l’homme rêve de posséder la créature la plus dangereuse, la plus grande, la plus étrange du monde. Un singe géant sur les terres d’Amériques serait de son point de vue du plus bel effet, et un excellent investissement. Depuis le début, ce mythe parle de l’histoire d’amour entre ce gorille gigantesque et une belle blonde qui le défend malgré sa peur en s’opposant à son rapatriement forcé.

Bien sûr, l’histoire finit mal : pour les hommes comme pour le singe dont on connaît la fin tragique sur l’Empire State Building. Encore un beau symbole : la bête est sacrifiée sur l’autel de l’empire humain devant sa belle. Sans conteste, il s’agit d’une histoire tragique qui n’a rien à envier à l’aventure de Dian Fossey, incarnée au cinéma par Sigourney Weaver.

La planète des singes

Avec la planète des singes, on entre dans un univers qui touche au problème fondamental de l’homme : descend-il du singe ? C’était au départ un roman de science fiction publié dans les années 60 par Pierre Boulle, et la première adaptation de ce roman revient sur l’histoire originale : un groupe d’hommes (cosmonautes) débarque sur une planète après un long voyage. Les habitants de cette planète sont des singes redoutablement intelligents qui ont pratiquement réduit à néant la civilisation humaine : il ne reste de celle-ci que des esclaves.

Ce premier opus d’une longue série qui ne cesse de passionner les cinéastes, puisqu’un nouvel épisode est prévu pour l’été 2014, montrait un Charlton Heston dans l’embarras, démuni, qui finissait par découvrir qu’il se trouvait en fin de compte sur sa terre natale, et que les pouvoirs s’étaient inversés entre les espèces.

Serait-ce que l’homme éprouve parfois quelque remord ? Mais il paraît en tout cas fasciné par cette inversion des rôles, où le dominant se fait dominer, où le colonisateur est en fait le colonisé. De plus, il ne choisit pas n’importe quel animal : il choisit le singe, son cousin, celui dont on descendrait selon certains scientifiques, et qui n’aurait pas évolué comme nous. Est-ce plutôt le fantasme de voir cette intelligence grandir encore et se mesurer à la nôtre ? S’agit-il d’un désir caché de rédemption ? N’y aurait-il pas un syndrome d’identification chez ces réalisateurs qui très souvent, dans King Kong, chargent la bête d’une puissance sexuelle intense ?

Cette histoire fascine en tout cas au moins autant que les histoires d’Alien qui viendraient coloniser la terre pour asservir la race humaine. Comme quoi… l’humain a peut-être besoin d’une bonne thérapie, ou d’une sérieuse remise en question.

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.