Certains seront tentés, en lisant Pétronille, de ne voir qu’un emprunt de la romancière à ce qui fait sa vie réelle, sa vie d’écrivain côtoyant d’autres écrivains, moins connus parfois. Il serait en effet assez hypocrite de parler de Pétronille sans évoquer Stéphanie Hochet : les titres de ses propres romans, évoqués dans le dernier Nothomb, sont assez peu camouflés, même si c’est avec beaucoup d’humour.
Steve Tesisch, dont nous faisons l’éloge dans ce même magazine en évoquant son roman Price, disait peu ou proue qu’il est vain de tenter, et idiot peut-être même, d’écrire à partir de l’imagination seule, que la vie est assez riche pour alimenter une écriture passionnante. David Vann affirme de plus en plus son univers à mesure qu’il déploie son écriture cathartique. Amélie Nothomb n’échappe pas à cette règle : les écrivains se nourrissent de leur entourage, les dévorent, les digèrent, et les refaçonnent à souhait.
Il serait donc aussi idiot de ne pas évoquer Stéphanie Hochet que de vouloir la retrouver complètement dans ce personnage de fiction qu’est Pétronille. Si l’auteur lui a attribué un autre nom, c’est bien que ce n’est pas tout à fait elle, voire pas du tout. Là, le roman prend tout son intérêt, car il joue pleinement son rôle, il divertit au sens originel du terme.
Reste cette histoire de roulette russe, ce jeu qui consiste à remettre sa vie au hasard par une simple pression sur la détente d’une arme dont une seule chambre serait munie d’une balle. Comment ne pas rapprocher ce jeu périlleux du métier d’écrivain, où seul le temps investi dans la manoeuvre représenterait une différence essentielle : d’un côté, vous réfléchissez (ou pas) et appuyez simplement de l’index sur votre destin. De l’autre, vous laissez filer lentement (ou pas) entre vos doigts ce qui sera, une fois publié, un succès phénoménal, un succès d’estime, ou un regretté compagnon pilonné.
En ce sens Pétronille apparaît comme le roman du roman, où l’auteur s’amuse une fois encore avec les ficelles du métier. Ce dernier opus mériterait en tout cas un succès nécessitant le débouchage de quelques Veuves, de cet or pétillant que l’on peut boire, selon l’auteur, à toute vitesse ou lentement, mais surtout : accompagné.
Pétronille, Amélie Nothomb, Albin Michel, Aout 2014, 180 pages, 16,50 €