Le Grand Homme, de Sarah Leonor

Détachés en Afghanistan pour 6 mois, les légionnaires Markov et Hamilton sont pris en embuscade lors d’une expédition non autorisée par leur hiérarchie. Markov sauve Hamilton, grièvement blessé par des tirs rebelles, mais quitte la Légion sans les honneurs.
De retour à Paris, Hamilton, convalescent, souhaite rester légionnaire, tandis que Markov, désormais civil et sans papiers, tente de s’en sortir avec son fils Khadji. Hamilton prête son identité civile à son ami tchétchène, pour qu’il puisse travailler légalement. Mais un jour, Markov disparaît, laissant Hamilton désorienté et Khadji seul au monde.


Jérémie Renier n’est jamais mieux que dans le cinéma d’auteur, et rarement un acteur n’aura aussi vite fait oublier sa prestation (pourtant magnifique) dans un biopic. Capable d’incarner tous les rôles semble-t-il, de la comédie au drame en passant par le thriller, l’acteur campe ici un militaire pur et dur, qui ne vit que pour et selon le code des légionnaires, ne sachant plus quelle autre famille on peut posséder à part celle de l’armée.

Le second code auquel il se réfère est celui de l’amitié. Sauvé par Markov, son coéquipier, il lui prête son identité, soit tout ce qui lui reste, puisqu’il n’a plus personne d’autre à protéger. Pourtant, se prêter, c’est aussi parfois se perdre…

Véritable critique du système militaire incapable de reconnaître la valeur des hommes qui se sont battus pour un drapeau ou simple scénario très inspiré, Le Grand Homme est en tout cas l’oeuvre d’une réalisatrice exigeante, qui aurait pu ici tomber dans l’écueil des larmes et de la pesanteur. Son film est tout le contraire, allant à l’essentiel sans oublier les détails, piquant au vif sans inspirer la pitié, montrant ce qu’il faut voir, sans toutefois s’y arrêter. Si l’on veut toutefois s’arrêter à deux fois pour étudier ce long métrage brillant, il faut repenser à un détail en particulier : cette caméra qui ne s’arrête en aucun cas sur la cause, sur la source du tir, puisqu’en réalité les causes d’un drame ne sont jamais que multiples.


Il faut aussi souligner ce choix très justifié du titre qui ne désigne personne et pourrait tout à la fois être interprété par les trois personnages du film : un mystère demeure ici, puisque le Grand Homme pourrait tout aussi bien être ce jeune garçon qui semble destiné à l’abandon du père, si bien que dans cette affaire, on ne sait plus très bien qui trouve l’autre. On sait juste que finalement, rien n’est perdu.

Une interprétation fameuse, des images superbes, une narration originale qui démarre comme un conte raconté par une voix d’enfant. Sublime.

Le Grand Homme, de Sarah Leonor, avec Jérémie Renier, Surho Sugaipov, Ramzan Idiev, etc… BAC films, en DVD depuis début février 2015.

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.