Birdman, d’Alejandro Gonzalez Inarritu

Y’a t-il encore un super héros dans la salle

 Ancienne gloire déchue d’Hollywood pour avoir incarné un célèbre super-héros, Riggan Thomson fait son retour à Broadway. Son objectif, prouver qu’il est plus que Birdman, en adaptant la pièce de son auteur fétiche.  Surviennent alors difficultés et remises en question…

Il serait aisé de parler de maturité artistique après quelques revirements en chemin pour le réalisateur de 21 grammes et Amours chiennes. Il serait tout aussi facile de rappeler à Michael Keaton qu’il tient ici le rôle de sa vie à l’instar de son alter ego à l’écran, lui l’ancien Batman de Burton. Toujours lors de cette effusion dithyrambique il faudrait discourir longuement du tour de force incarné par le faux plan-séquence de près de deux heures. Ensuite viendront les remarques acerbes ; on viendra à se demander pourquoi Inarritu se complaît tant à critiquer le système (Hollywood ou Broadway) alors que ledit système vient de le consacrer avec les Oscars du meilleur réalisateur et du meilleur film. Les accusations de faiseur maniériste pleuvront et on reprochera les mêmes défauts à Birdman qu’au boursoufflé Babel. Bref, beaucoup de bruit pour rien me direz-vous dans un sens ou dans l’autre.

Il serait plus judicieux de comprendre les facettes cachées du long-métrage qui ont tant plu à l’académie des Oscars et qui si on les connaît peuvent également nous interpeller. Si de prime abord les attaques véhémentes envers un univers nombriliste pourraient constituer le cœur de l’ouvrage, ce n’est que pour mieux mettre en abyme les fondements dudit univers. Le rêve de Riggan n’est autre que ceux d’Orson Welles, Joseph Mankiewicz, ou encore Jean Renoir. Promouvoir l’art noble de la scène à celui plus roturier du grand écran n’est point chose nouvelle. En se référant à ses illustres prédécesseurs, Inarritu  perpétue le pseudo effort de mémoire de ces dernières années après The Artist faux héritier des Chaplin ou Keaton, et de l’Odyssée de Pi, le conte citant allégrement Ford et l’Homme qui tua Liberty Valance. Pourtant au-delà des clins d’œil tapageurs (qui a dit putassiers ?), Inarritu conserve un certain talent pour diriger ses acteurs avec une verve que l’on ne lui connaissait plus. Et à travers les yeux ébahis d’Emma Stone lors d’un dernier plan étincelant, ce sont les dernières images de l’Aventure de Madame Muir qui affleurent.

 Film américain d’Alejandro Gonzalez Inarritu  avec Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton. Durée 1h59. Sortie 25 février 2015

About François Verstraete

François VERSTRAETE, cinéphile et grand amateur de pop culture