Au service secret de sa majesté
Organisation secrète de contre-espionnage, Kingsman œuvre depuis des années pour le bien de l’humanité. Quand un de ses membres les plus précieux tombe au combat, commence alors un recrutement parmi l’élite de la jeunesse britannique. Pourtant, contre toute attente le meilleur candidat, Eggsy, se révèle incontrôlable et rebelle. Pour mieux sauver le monde ?
Passer du rôle de producteur à celui de cinéaste n’est point une chose aisée car passer de financier à artiste peut sembler impossible voir incongru. Par le passé, l’exemple le plus flatteur fût celui de Joseph Mankiewicz, qui par son passage derrière la caméra, incarna la quintessence du cinéma classique hollywoodien. Point de tels éloges ici pour l’ancien producteur de Guy Ritchie, même si, film après film, Matthew Vaughn incarne d’une certaine manière la quintessence d’un certain cinéma populaire contemporain.
Après avoir adapté Kick-Ass en 2010, Vaughn porte ici à l’écran un autre Comic Book du scénariste Mark Millar. Avec Kick-Ass, il dressait une satire savoureuse des films de super-héros. Avec Kingsman, il fait de même avec les films d’espionnage retournant les stéréotypes Bondiens au passage. D’ailleurs le pitch du film peut d’emblée laisser craindre le pire après les souvenirs douloureux de Spy Kids ou encore XXX, qui se réclamaient plus ou moins du même genre. Pourtant en lieu et place d’un énième blockbuster sans saveur, c’est bel et bien un film d’aventures sous acide retournant habilement tous les clichés que nous offre le metteur en scène britannique. Chaque plan, chaque citation est à la fois une invitation à la démesure, au trash et au gentiment grotesque. Mais malgré la surenchère dans le ton et dans la forme, Vaughn affiche un amour inconditionnel du cinéma et pas seulement du cinéma de genre.
Au contraire de Stephen Wong ou encore Wes Craven, Vaughn ne traite jamais de son sujet avec condescendance à l’instar des échanges entre Colin Firth et Taron Egerton ; quand Eggsy cite Georges Cukor, le film brise définitivement les barrières pas seulement sociales mais bel et bien entre toutes les formes de cinéma.
Malgré ces bonnes intentions le film n’est point exempt de défauts. Si le rythme porte le spectateur dès les premiers plans d’un générique haut de gamme, ce sont plutôt les quarante-cinq premières minutes initiatiques les plus intéressantes du long-métrage, la dernière partie du film remplissant les sempiternelles charges des blockbusters moyens. En revanche le découpage cartoonesque transforme le tout en un gigantesque défouloir avec pour point d’orgue un final au diapason ; les basses classes y séduisent la noblesse de la plus étonnante et irrévérencieuse manière.
Jamais à court d’idée pour amuser et choquer à la fois, Vaughn à défaut de signer un classique instantané, délivre un produit fourre-tout au contenu dévastateur.
Film américain de Matthew Vaughn avec Colin Firth, Samuel L Jackon, Taron Egerton. Durée 2h09. Sortie le 18 février 2015