Cent jours la tentation de l’impossible: passions françaises

Gloire de l’historien et de son sujet

 D’Emmanuel de Waresquiel, il est difficile de dire du mal. On lui doit, après Guillaume Bertier de Sauvigny, une excellente histoire de la Restauration coécrite avec Benoit Yvert. Surtout, il fait partie de ces historiens qui ont rendu à la biographie ses lettres de noblesse, d’abord avec un Talleyrand subtil et distancié paru en 2004, puis avec un Fouché plus sombre : ces deux livres permettent d’éclairer et la psychologie et le parcours des deux duettistes de l’épopée impériale et de restituer leur singularité dans cette période de « vingt cinq années qui bouleversèrent le monde ». Commémoration du bicentenaire de Waterloo (morne plaine…) oblige, voici un retour sur un ouvrage moins connu d’Emmanuel de Waresquiel, paru en 2008 chez Fayard et réédité ici dans la collection « Texto » de Tallandier, portant sur les Cent jours, période qui, à bien des égards, résume le tempérament national des français.

 Les cent jours de Louis XVIII

 Au lieu de nous offrir un récit de l’épopée « impériale », Emmanuel de Waresquiel choisit de nous présenter l’épisode du point de vue du roi podagre, Louis XVIII, et de son parti. Car, contrairement à bien des idées reçues, la France de 1815 était loin de s’abandonner à une passion bonapartiste. Bien des régions étaient demeurées royalistes de cœur, grâce à l’action de la confrérie des chevaliers de la foi pendant la période de l’Empire. De plus, toute une jeunesse, avec Alfred de Vigny en tête, a suivi le roi en exil vers Gand à la fin mars 1815. Le romantisme est en effet né royaliste.

 La révolution qui recommence ?

 Depuis leur retour en 1814, malgré le texte de la charte garantissant les conquêtes révolutionnaires, les Bourbons n’avaient pu ou voulu éteindre les peurs de certains parties de la population devant le retour des émigrés et de certaines de leurs revendications : retour des biens nationaux à leurs anciens propriétaires par exemple. Nombre de petits paysans redoutaient de plus le retour de la féodalité… Napoléon savait tout cela et exploita ces peurs (sans y croire). Or il se plaçait en porte à faux complet avec sa politique, menée en 1799-1804, qui visait à la réconciliation des deux France… alors que personne au sein des élites et du peuple ne veut véritablement recommencer la Révolution (et surtout pas les anciens révolutionnaires gorgés d’honneurs et de pensions).

 Guerre civile

 1815, c’est donc le triomphe des peurs et des angoisses d’une nation (ou d’une partie d’elle) et la dernière partie d’un homme exceptionnel qui joue son va-tout avant d’échouer à Waterloo. Anecdote étonnante : à Gand, des dames de la haute noblesse, royalistes ultra, s’évertuèrent à fabriquer des pansements à base de charpie pour des mourants et des blessés de Waterloo qui, pourtant les haïssent. Triste parfum que celui de la guerre civile…

 Ce livre d’Emmanuel de Waresquiel (qui vient après La semaine sainte d’Aragon), original et fin, excellemment bien écrit, présente un point de vue original sur les Cent jours qui se soldèrent par une catastrophe pour la France. A lire, avec plaisir.

 Sylvain Bonnet

Emmanuel de Waresquiel, Cent jours la tentation de l’impossible, Tallandier « texto », ISBN 979-10-210-0658-4, août 2014, 688 pages, 12,50 €

About Sylvain Bonnet

Spécialiste en romans noirs et ouvrages d'Histoire, auteur de nouvelles et collaborateur de Boojum et ActuSF.