Choisir Agrippine (la jeune) comme sujet d’une biographie, beau défi pour un(e) historien(ne)! Mère de Néron, Agrippine est un pur produit de la Domus Augusta, descendante d’Auguste et surtout de Marc Antoine. Car on oublie souvent à quel point le vaincu d’Actium a, via sa descendance (ne fut-il pas l’époux d’Octavie, la sœur d’Octave-Auguste ?) influencé la dynastie Julio- Claudienne et son idéologie politique. L’objet du livre de Virginie Girod est de donner un éclairage particulier sur la singulière figure d’Agrippine, femme habitée (comme beaucoup de ses parentes) par l’ambition et donc vilipendée par une historiographie sénatoriale qui ne pouvait supporter de voir le sexe faible jouer un rôle politique !
L’ambition en héritage
Agrippine doit tout à ses parents, Germanicus et sa femme Agrippine l’ancienne. Germanicus, avant de devenir un héros de tragédie, fut certainement un des julio-claudiens les plus brillants. Respecté par le Sénat et adulé par le peuple, ce général charismatique sut se gagner le soutien des légions, au point d’attiser la méfiance et la haine de son oncle et père adoptif, Tibère. On ne saura jamais clairement si Tibère le fit empoisonner mais sa mort projeta sa nombreuse descendance sur le devant de la scène. Agrippine la jeune était destinée à un rôle de matrone romaine (à l’instar de sa mère) et fut mariée à un parent, Cneus Domitius Ahénobarbus. De cette union naquit le futur Néron.
La mère du monstre
Agrippine devint sœur d’empereur à l’avènement de Caligula. Elle resta dans l’ombre, complota contre ce frère qui avait certainement pour ambition d’instaurer une royauté de type orientale à Rome. A sa mort en 41, le sénat se réunit et posa la question de la restauration de la République. Les prétoriens allèrent chercher le chétif Claude et le proclamèrent empereur. Là commence la carrière d’Agrippine qui n’eut de cesse de se rapprocher de Claude en éliminant sa femme Messaline (la fameuse…) et en favorisant son fils Néron (au détriment du propre fils de Claude, Britannicus). Claude, sans conteste un bon empereur, se fit à peu à peu circonvenir et épousa sa nièce ! Sa mort trouble amena Néron (qu’il avait adopté) au trône… C’est là que le bât blesse : Agrippine, fine politique, fut peu à peu écartée du pouvoir par son fils. Celui-ci se méfiait de sa mère et finit par la faire assassiner… L’ouvrage bien documenté de Virginie Girod rend justice à une femme politique vaincue par sa progéniture ingrate (dont elle s’était d’ailleurs peu occupée). A découvrir.
Sylvain Bonnet
Virginie Girod, Agrippine, Tallandier, ISBN 979-10-210-0491-7, mai 2015, 304 pages, 20,90 €