Un nouveau champ de la recherche historique
Chercheur rattaché au ministère de la Justice, Franck Liaigre a déjà publié des ouvrages sur l’activité clandestine du PCF, notamment Liquider les traîtres : la face cachée du PCF clandestin (1941-1943) et Camarade, la lutte continue ! de la Résistance à l’espionnage communiste, en collaboration avec Jean-Marc Berlière. Cet ouvrage sur les FTP ou plus précisément les Francs-tireurs et partisans prolonge d’une certaine manière ses recherches et pose deux questions : ces résistants furent-ils efficaces ? Et au nom de quoi se battaient-ils ?
Des effectifs réduits et une efficacité limitée
A la lecture de l’ouvrage, une évidence s’impose : les FTP n’ont jamais été nombreux. A la lecture des documents internes au Parti et des procès verbaux d’interrogatoire, il apparaît que les effectifs n’ont jamais été très importants dans les différentes « régions » découpées par le Parti. D’autre part, les communistes, qui n’ont commencé la lutte contre l’occupant qu’à partir de l’invasion de l’URSS en juin 1941 (sauf très rares exceptions selon l’auteur), ont privilégié dans un premier temps les attentats individuels contre les allemands. Le problème, bien relevé par le Parti, étaient que les allemands répliquaient en sélectionnant des otages à fusiller (avec la collaboration de Vichy, malgré les objections du ministre Joseph Barthélémy), ce qui dressait la population contre la Résistance. La tactique évolua mais, selon notre auteur, sans beaucoup de résultats probants. Il y eut des combattants FTP très valeureux (dont une partie non communiste) mais, au final, les coups portés à l’occupant nazi furent minimes, selon Franck Liaigre.
La lutte contre les ennemis « intérieurs »
De la lecture des FTP ressort aussi deux éléments : le PCF a privilégié la liquidation de collaborateurs notoires (dont certains, passés au PPF de Doriot, étaient d’anciens communistes) et aussi d’ennemis du parti, ce qui incluait des camarades soupçonnés d’avoir « donné » des noms à la guestapo (après-guerre, beaucoup de cas de trahisons se sont révélés faux) et aussi des trotskistes. Car nombre de militants engagés dans le FTP avaient un but chevillé au cœur : l’instauration d’un régime soviétique en France. Bien sûr, cela se combinait avec un anti-nazisme militant et un rejet du racisme hitlérien (d’où le recrutement parmi les immigrés et la constitution des FTP-MOI dont sortit le célèbre Manouchian). Si les FTP bénéficièrent de l’aide anglaise (grâce au BCRA gaulliste), leurs buts, en partie, allaient au-delà d’une simple libération du territoire… et de Gaulle les utilisa dans son bras de fer avec les anglo-saxons afin de faire reconnaître la souveraineté française…
Au final, Franck Liaigre signe un ouvrage iconoclaste (voire polémique ?) qui ne peut que susciter l’intérêt de l’amateur d’Histoire et aussi du citoyen « curieux ».
Sylvain Bonnet
Franck Liaigre, Les FTP, Perrin, septembre 2015, IBSN 978-2-262-05130-3, 22,90 €