Sexe et pouvoir à Rome, dans le secret des alcôves

 Le dernier des géants

Présenter Paul Veyne est une gageure ! Il s’agit tout simplement d’un des plus grands historiens actuels du monde gréco romain, à qui on doit un ouvrage qui a fait date, Le pain et le cirque. Ces dernières années, il a fait paraître deux opus majeurs, le premier portant sur la fusion culturelle gréco-romaine (L’empire gréco-romain) et le second sur le passage au christianisme (Quand le monde est devenu chrétien). Il était souvent associé dans l’esprit des étudiants à Lucien Jerphagnon (1921-2011), élégant latiniste devenu historien émérite, qui signe ici la préface de cet ouvrage. Et le sexe là-dedans ? Il en est beaucoup question dans ce recueil d’articles, mais pas seulement.

Des érotomanes ?

Cinéma et bande dessinée ont popularisé l’image de romains perdus dans leurs orgies débridées de sexe, en partie inspirée par les textes de Suétone et de l’histoire auguste. Avec Paul Veyne, on découvre simplement que les romains n’avaient pas du tout les mêmes conceptions que nous. Sur l’homosexualité, requalifiée d’homophilie, le romain ne la voit pas comme une souillure s’il est l’ « actif » et non le « passif » : on reprochera à un sénateur de ne pas s’être comporté selon son rang s’il a été passif ; s’il est actif, aucun problème. Quant aux femmes, la société romaine est méditerranéenne, donc plutôt machiste. Et le mariage est valorisé.

Gladiateurs et mafia

Sexe et pouvoir à Rome contient aussi une interview de Paul Veyne à l’histoire où il compare le monde romain à la mafia, image choc et saisissante mais qui est réelle : il n’y a pas d’État bureaucratique avant les débuts de l’Empire et l’exercice de la Justice à Rome montre l’importance des clientèles et du patron. Quant aux gladiateurs, Paul Veyne y consacre un article passionnant : on y apprend par exemple que l’origine de la gladiature remonte à un rite funéraire où le fils d’une famille fortunée donnait des combats en l’honneur de son père mort. Sexe et pouvoir à Rome constitue une excellente initiation au monde romain et la compagnie de Paul Veyne, chers lecteurs, ne se refuse pas !

Sylvain Bonnet

Paul Veyne, Sexe et pouvoir à Rome, Tallandier collection « texto », préface de Lucien Jerphagnon, janvier 2016, pages, 9 €