Objet d’une traque sans merci par les autorités et une secte fanatique, un homme et son jeune fils parcourt les Etats-Unis afin de résoudre un mystère inexplicable, proche des miracles.
A seulement trente-sept ans, Jeff Nichols affiche d’ores et déjà une maturité remarquable et remarquée après les succès critiques notamment de Take Shelter et de Mud. En seulement quatre films, il marque un peu plus son empreinte au sein d’une génération ambitieuse mais limitée incapable de sortir du confins de ses limites. Quand d’autres n’ont plus rien à dire, lui continue d’avancer inexorablement. Bien sûr, il lorgne comme d’autres vers le passé glorieux de la vieille Hollywood. Si les ombres de Laugthon et Tourneur planaient sur Take Shelter et Mud, il affichait suffisamment de caractère pour passer de copieur à auteur et suivre les pas d’Abrams ou James Gray dans cette veine néoclassique que ne renierait pas Eastwood lui-même.
Pourtant, quand on regarde de loin Midnight Special, il est logique de se sentir floué par un spectacle et un scénario de prime abord trop proche des Spielberg des seventies, où le suspens s’étiole et la situation générale confine à la mièvrerie redondante made in US. Mais c’est mal connaître un cinéaste qui refuse l’esbroufe et dont l’obsession de la pudeur rejoint celle de ses protagonistes. A l’instar d’un Bong Joon Hoo, Nichols rejoint la tradition kubrickienne celle de se désintéresser de son sujet afin d’explorer d’autres horizons que le genre cinématographique abordé, préférant plutôt observer le genre humain. Tout au long du film, son amour de l’Amérique profonde transpire, et il parle comme personne de ces parias confrontés à l’extraordinaire, capables de transcender les épreuves par la seule force de leur foi…ou de leur obsession maladive. Nichols s’évertue toujours à les faire évoluer dans des espaces naturels hostiles où nul n’est à l’abri. Il acte son œuvre par une symbolique si primaire qu’elle en devient efficace. Pourtant à l’heure du pessimisme ambiant, et alors qu’il place ses personnages au cœur de drames crépusculaires, Nichols choisit à chaque fois de croire en l’Homme, comme Boorman en son temps. La croyance dans l’apocalypse, dans un homme tatoué ou dans un enfant divinisé n’est qu’une surface. A chaque fois, il préfère contrairement cette fois à Kubrick placer l’espoir dans les forces et faiblesses de n’importe lequel d’entre nous. Car en choisissant des quidams pour accomplir des destinées magnifiques, Nicols place tout à chacun à la place de ses protagonistes.
Parce qu’il parvient à détourner les attentes en jetant avec entrain les clichés au nez à la barbe du spectateur tout en se détournant de son sujet, Nichols réussit un tour de force à défaut de signer un véritable classique. Qu’importe de signer un classique puisqu’il synthétise avec succès les valeurs humanistes des fables d’antan.
Film américain de Jeff Nichols avec Michael Shannon, Jaeden Lieberher, Adam Driver, Joel Edgerton. Sortie le 16 mars 2016. Durée 1h51