Elevée par une nonne qui l’initie aux arts martiaux, une jeune femme devenue assassin se voit ordonner l’exécution de l’homme qu’elle a jadis aimé. Et devient par là même le chantre de manigances politiques qui prévalent sur ses sentiments
A l’instar du western, le wu xia pian est aujourd’hui un genre qui se meurt inexorablement. Certains ont vainement tenté de le réanimer comme Zhang Yimou, d’autres de lui offrir un dernier baroud d’honneur (Tsui Hark et John Woo en tête) et enfin quelques-uns comme Ang Lee se sont penchés sur son histoire, cherchant par là-même les racines mythologiques communes d’un pays alors en pleine expansion à la fin des années quatre- vingt-dix, peu enclin désormais à la nostalgie. On a donc pu voir déferler pèle mêle le sinistre La cité Interdite, les surestimés Hero et Tigre et Dragon, et les revivals incarnés par Les trois royaumes ou encore Detective Dee. Encore aujourd’hui certains s’efforcent ce devoir de mémoire à l’instar de la veine hollywoodienne actuelle, celui de ressusciter un genre qui fit la gloire culturelle d’une nation, quand King Hu, Chang Cheh ou encore Liu Chia-Liang trônaient au box-office local.
Pourtant, la démarche d’Hou Hsiao-Hsien paraît bien éloignée de ces approches tant le réalisateur de Millenium Mambo n’est point coutumier du cinéma de genre et encore moins des rythmes effrénés, lui le spécialiste de l’action lente et mélancolique.
Si par moments il perpétue certains codes du genre reprenant les intrigues alambiquées, quelques côtés baroques et l’amour des grands espaces, c’est pour mieux imposer son style, son élégance ostentatoire, son charme mélancolique. Héroïne tragique, Nie Yin impose par sa présence gestuelle une féminité et une grâce très supérieure à bon nombre d’archétypes hollywoodiens. Le langage des corps prédomine sur les mots. Chaque parole est une invitation tant elles sont rares, plus enclines à tromper et plus aptes à conter l’irréel. Le cinéaste nous entraîne doucement dans des jeux de pouvoir, d’amour et de hasard, querelles de cour qui masquent les résonnances d’humanité de chaque protagoniste. L’appel du devoir shakespearien fait place aux émotions, subrepticement, et le spectateur est bercé progressivement par les vers de poème contemplatif, où simplicité et complexité s’entrelacent à chaque plan.
Faux wu-xia mais véritable drame politique, The Assassin subjugue autant par les fulgurances de son auteur que par sa mise en scène placide capable d’émouvoir en un battement de cils n’importe quel spectateur.
Film taïwanais de Hou Hsiao-Hsien avec Shu Qi, Chang Chen, Yun Zhou. Durée 1h45. Sortie le 9 mars 2016.