Un jour sans fin
La rencontre entre un cinéaste et une jeune artiste peintre tourne au jeu de séduction pas tout à fait honnête lors d’une journée pas si singulière que ça.
Un homme se rend dans un temple bouddhiste. Il croise une jeune femme qui s’éloigne. En forçant le hasard, il va faire sa connaissance, tenter de la séduire, la décevoir puis…tout recommencer. Point d’artifice utilisé par Sang-Soo Hong dans ce mélodrame pas comme les autres regardant ci et là du côté d’Harold Ramis mais trouvant à chaque moment sa propre identité. Le thème de la rencontre universelle voit ici ses codes bousculés par la grâce d’une mise en scène épurée où chaque mot, chaque changement d’attitude le plus imperceptible, influe invariablement sur le fil de l’existence. La performance des acteurs est d’ailleurs remarquable tant le jeu des nuances si peu prononcé accentue la puissance d’évocation du long-métrage. On se plaît à se poser ces questions classiques, humaines, simplistes mais tellement symboliques : que ce serait-il passé si j’avais changé un brin mon attitude, dit autre chose, réagi autrement. On se souvient alors de ce dialogue incandescent lors du Hors d’Atteinte de Soderbergh qui posait déjà subtilement les mêmes interrogations.
Sauf qu’ici, le cinéaste s’emploie à répondre au grand chaos universel en donnant une autre chance à ses protagonistes. Et la maestria du réalisateur prend forme à l’écran ; il préfère changer les événements par petite touche, sans esbroufe, pudiquement. Ses héros incarnent la complexité de l’artiste, ses changements permanents, sa chute, son ascension et son refus des compromis. Des compromis, Sang-Soo Hong n’en a cure, laissant sans doute sur le côté ou sur le carreau bon nombre de spectateurs. Ses derniers plans aussi graciles qu’immobiles concluent parfaitement ses efforts et une certaine idée du cinéma.
Un jour avec, un jour sans n’est pas qu’un exercice de style fugace et vain mais bel et bien une approche innocente de l’existence. Si le maniérisme de l’ensemble peut quelques fois agacer, le film par contre ne cesse de fasciner par ses aspects humanistes. En changeant subrepticement les situations, en ne cédant jamais à la paresse ou à l’auto dérision, Sang-Soo Hong accouche d’une œuvre à la ambitieuse et empreinte d’humilité. Chose si rare aujourd’hui qu’elle émerveille quand elle se déroule sous nos yeux.
Film sud-coréen de Sang-Soo Hong avec Jae-yeong Jeong, Kim Min-Hee, Yeo Jeong Yoon.
Durée 2h01. Sortie le 17 février 2016