Un auteur touche-à-tout
Cette réédition d’une biographie parue en 1982 est l’occasion de revenir sur son auteur, Philippe Erlanger (1903-1987), personnage singulier et touche à tout : il fut critique d’art, diplomate et eut l’idée de créer le festival de Cannes en 1939. Sans être historien de formation, il publia des biographies de Charles Quint, Marie Stuart, Richelieu, et devint un spécialiste de facto du seizième siècle. Il était donc normal qu’il s’intéresse à la figure d’Henri VIII, ce roi anglais aux six femmes, fondateur de l’église anglicane.
Un Roi hors du commun
Philippe Erlanger nous offre un portrait saisissant d’Henri VIII, qu’on peut qualifier de personnage hors normes, voire de monstre. Contemporain de François Ier et Charles Quint, Henri VIII a autant d’ambitions que ses rivaux mais il est malheureusement à la tête d’un petit état de trois ou quatre millions d’habitants (le royaume de France compte alors seize millions de sujets). S’il ne peut s’opposer directement à ses rivaux, il se retrouve pourtant souvent en position d’arbitre, sollicité tour à tour par le Habsbourg ou le Valois lors de leurs conflits successifs. Si la postérité a cependant retenu Henri VIII, c’est pour une raison plus intime. Marié jeune à Catherine d’Aragon et sans héritier mâle, le roi d’Angleterre demanda au pape de Rome l’annulation de son mariage, ce qui lui fut refusé : ce fut une des causes du schisme de l’église d’Angleterre qui devint anglicane. Marié six fois au total, il n’engendra que deux filles (Marie Tudor et Elisabeth) et un fils (le futur Edouard VI). Roi cruel, Henri VIII avait la manie des conspirations et fit exécuter nombre de lords rebelles ou rétifs à son autorité (ainsi que les derniers représentants de la maison d’York)… et deux de ses épouses (Ann Boleyn et Catherine Howard).
Un ouvrage un peu daté
Cette biographie de Philippe Erlanger, d’une lecture agréable, est pleine de jugements curieux. On peut volontiers qualifier Henri VIII de despote mais dire de lui qu’il est un souverain « totalitaire » relève a u mieux de l’anachronisme et au pire de la faute intellectuelle. Donner de l’importance aux femmes du souverain correspond à la réalité historique mais Erlanger s’attache trop aux turpitudes sentimentales d’un souverain qui savait garder aussi la tête froide. Certains aspects du règne sont passés sous silence, comme la soumission du pays de Galle ou de l’Irlande dont Henri VIII devient roi en 1541. On renverra donc le lecteur à la biographie de Bernard Cottret, beaucoup plus nuancée et plus complète, sur ce souverain capital de l’histoire anglaise.
Sylvain Bonnet
Philippe Erlanger, Henri VIII, Perrin, ISBN 9782262065294, avril 2016, 288 pages, 19,90 €