Chinatown
Policier hors pair et taciturne, le capitaine Stanley White vétéran du Viêt-Nam lance une guerre sans merci aux Triades au cœur même de Chinatown.
La sortie en version restaurée de L’Année du Dragon permet de (re)découvrir le dernier chef-d’œuvre de Michael Cimino avec une copie enfin digne de ce nom tant sur le plan visuel que sonore. Le travail effectué est ici d’une qualité quasi-irréprochable et c’est avec un plaisir inégalé que l’on suit les pérégrinations et la descente aux enfers de Stanley White.
Le film lui n’a point perdu de son aura vénéneuse après trente ans. Cimino signe alors son dernier opus de valeur après l’échec injuste de La porte du paradis. Et après le film de guerre puis le western, c’est le film noir qu’il choisit pour cadre et Chinatown comme centre d’expérimentation sociétale. Comme à son habitude, il délaisse son sujet pour mieux se concentrer sur l’intégration des minorités immigrantes au rêve américain et à son macrocosme populaire. Son héros, ou plutôt anti-héros mène une quête jusqu’au-boutiste, obsessionnelle face aux dérives des triades. Pour lui seul compte la société et ses lois et nul n’est au-dessus pas même les traditions mafieuses millénaires. Pourtant lui-même est immigré, se qualifiant de polak limité, traumatisé par le Viet Nâm ; il incarne à merveille le héros brisé ciminien et achève le processus archétypal entamé depuis The Deer Hunter.
En outre si le cinéaste ne filme plus les grands espaces de l’Ouest, ni la jungle de la guérilla, il filme une toute autre jungle faite d’asphalte où un autre combat contre l’inconnu se dessine. Nul espoir ne ressort de la misère de la populace comme c’était le cas pour les prisonniers de The Deer Hunter ou les pauvres migrants de La porte du paradis. Cimino enfonce déjà les portes de l’échec de l’intégration des étrangers autant incapables de survivre au système qu’ils découvrent que d’abandonner les facilités des vieilles habitudes ancestrales. Taxé de raciste à sa sortie, le film ne l’est point mais dresse bel et bien le portrait du racisme jamais unilatéral, et bel et bien protéiforme. Et ce sont toutes ces facettes auxquelles Cimino s’intéresse en suivant Stanley White de la chute à la résurrection, même si cette dernière passe par le biais d’un duel nocturne plus proche du western que du polar classique.
Faux film noir et véritable tableau désabusé d’une société en déliquescence, L’année du dragon perdure aujourd’hui à la fois comme œuvre testamentaire essentielle et écrin d’un cinéma des années quatre-vingt qui commençait alors sa fuite en avant.
Film américain de Michael Cimino avec Mickey Rourke, John Lone, Ariane Koizumi. Sortie le 13 novembre 1985. Durée 2h14. Disponible en dvd et blu-ray aux Editions Carlotta