Courir ou mourir, de Kilian Jornet

Courir ou Mourir, de Kilian Jornet

Courir ou mourir, la formule peut paraître provocante, un tantinet surréaliste, et l’on peut mettre quelques secondes avant de comprendre le double sens que ce titre renferme.

Pour qui ne connait pas Kilian Jornet, il s’agit d’un jeune (age) prodige de la course à pied en altitude. Il se décrit d’ailleurs lui-même davantage comme un alpiniste que comme un coureur, puisque ce qui l’intéresse, c’est de courir sur les crêtes, de se tenir sans cesse sur le fil, en équilibre. Originaire des montagnes catalanes, il s’est déjà illustré sur la Diagonale des fous, mais a parcouru des chemins bien plus époustouflants encore.

Dans ce livre, il livre sa vision du sport qu’il pratique. Pour ce faire, il raconte plusieurs de ses expériences, son parcours, et se confie également sur ses réflexions personnelles autour de sa pratique. J’ai terminé ce livre au moment où l’on apprend que Joan Roch (Auteur de l’excellent Ultra-Ordinaire) décide de but en blanc d’arrêter la course à pied. Cela donne un drôle d’écho aux interrogations soulevée par Kilian Jornet : Pourquoi court-on ? Pour qui ? Dans quel but ? Pour atteindre ou fuir quoi ?

Les limites du corps et de l’esprit

Au fil des chapitres et des aventures de l’auteur, on découvre un être combatif, qui fonctionne au mental avant tout, parfois au détriment (il l’apprendra à ses dépens) de son état physique. Dans la course à pied, il est toujours question de cet éternel dilemme : finir la course maintenant, alors qu’on en peut plus, et risquer d’y perdre la santé, ou bien accepter d’abandonner, pour assurer les saisons suivantes ? Cela implique bien évidemment une certaine humilité, et une certaine prise de distance avec les enjeux de la compétition. Cette distance, cette façon de courir « pour le plaisir » et non « par obligation » est ce vers quoi il faut tendre pour rester serein, tout en gardant un minimum de ce stress bénéfique à tout coureur.

Kilian Jornet donne cependant l’impression d’avoir un mental d’acier, un corps en béton armé, et une volonté de fer. S’il avoue avoir lâché un peu de pression, il est tout de même toujours attiré par davantage de courses, de plus en plus difficiles, comme en témoigne sa récente tentative d’ascension de l’Himalaya.

L’important dit-il, dans l’ascension d’une montagne, c’est d’avoir aussi la capacité à en redescendre. Et en cela, cet homme est formidable : il dévale plus vite que son ombre, vole et survole mille cimes qui donneraient le vertige à plus d’un.

Un ouvrage sur le sport, mais tout un esprit philosophique

Au final qui sommes-nous ? Qu’est-ce qui nous anime et nous fait courir un jour vers des records que l’on n’aurait pas imaginés atteindre ? Est-ce que c’est la beauté du chemin ? La solitude que ressent tout coureur lorsqu’il s’élance ? Kilian Jornet s’aventure ici sur un terrain une fois encore un peu en équilibre, entre une expérience qui bien sûr a l’avantage de vous ramener les pieds sur terre, et une réflexion plutôt aérienne, presque mystique. La course pratiquée par Kilian Jornet, c’est peut-être ça finalement : être insaisissable et libre, robuste et conscient de ses fragilités, entêté et à l’écoute d’un corps qui peut parfois souffrir. L’histoire se répète et enrichit à chaque course finalement, comme une éternelle quête entre ciel et terre, à mi-chemin du paradis et de l’enfer. Mais plutôt que mourir tout à fait, mieux vaut courir à fond, pour se sentir vivant. Un ouvrage immanquable pour tout coureur, mais une lecture d’une richesse incroyable également, pour tout le monde, des simples passionnés du chemin à ceux qui veulent découvrir une autre forme de méditation, par le mouvement.

Courir ou mourir, Kilian Jornet, Arthaud Poche

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.