Une femme sous influence ?
Quelques années après le drame de Dallas, les réactions de Jacqueline Kennedy au cours d’un entretien poignant.
Si la présidence de JFK occupe une place prépondérante dans l’inconscient collectif public américain, elle n’apparaît nullement en haut des annales de l’Histoire des Etats Unis, du moins au regard des études de nombreux historiens et politologues. D’ailleurs comme évoqué dans le long-métrage de Pablo Larrain, il est difficile d’évaluer l’importance de son œuvre hormis son coup de poker politique lors de la Crise de Cuba. Bien évidemment le drame de Dallas continue de hanter les mémoires plus de cinquante ans après. Mais eu delà des faits petits ou grands, c’est bel et bien son couple avec Jacqueline Bouvier qui marqua les esprits. Premier couple présidentiel à avoir utilisé habilement les médias, Les Kennedy ont également mis en avant le rôle de Première Dame, passant du statut de potiche au rang de véritable voix politique entremêlée de glamour.
Le choix de Pablo Larrain de porter un regard sur cette figure féminine forte pouvait autant s’avérer judicieux que relever de la gageure. Mais choix finalement payant tant la mise en scène du cinéaste se révèle aussi efficace que maligne. Si la séquence de l’assassinat tient une place importante, elle dévoile cependant ses secrets par à-coups aux côtés d’anecdotes plus ou moins gratifiantes mais qui donne vie à l’épouse Kennedy. Si le tableau tend par moments trop vers l’hagiographie, il peint et dépeint cependant l’envers du décor, celui d’une femme d’abord seule à la Maison Blanche puis face à son destin quand finalement elle n’est plus première dame. Car là réside le tour de force du film de Larrain : faire exister et croire à l’existence finalement toute relative de ce rôle supposé à tort fantoche mais sans doute bel et bien symbolique. D’ailleurs la réplique de Natalie Portman est cinglante à ce sujet, évoquant que le public ne recherche point la vérité mais seulement ce qu’ils veulent bien croire. Et Jackie joue habilement avec cette image, ce charme qu’on lui connaît entre robe de soirée et habits de deuil, capable de s’émouvoir lors d’un concert et d’émouvoir une nation lors d’un cortège funèbre des plus poignants. Mais elle affiche surtout une habileté toute politique tant elle démontre une force peu commune pour imposer sa vision des obsèques ; on est bien loin de l’ingénue qui faisait visiter la Maison Blanche lors d’une rencontre médiatique mémorable.
En outre la réussite n’aurait point été aussi grande sans l’interprétation d’une Natalie Portman en état de grâce, capable d’un éventail de jeu des plus subtils, parfaitement en adéquation avec le personnage. Non le rôle ne lui sied pas, elle ne l’incarne pas, elle est véritablement Jackie, et ce tout au long de la projection. Un tour de force sans nul doute plus impressionnant que dans Black Swan, tant la palette demandée exige une infinie nuance.
Portrait élégiaque de l’une des plus fascinantes égéries politiques du vingtième siècle, Jackie renferme aussi bien l’encensement naïf qui agacera les uns que la saveur douce-amère qui charmera les autres. Il dessine surtout le modèle féminin idéal d’après-guerre celui de l’alliance gracile de l’élégance mâtiné de liberté.
Film américain de Pablo Larrain avec Natalie Portman, Peter Sarsgaard, Greta Gerwing. Durée 1h40. Sortie le 1er février 2017