Premier contact, de Denis Villeneuve

Babel

L’histoire de Louise Banks, linguiste de génie et d’une équipe d’experts chargé de communiquer avec des extra-terrestres qui ont surgi aux quatre coins du globe.

Beaucoup opposent à tort deux pans économiques du cinéma de genre : celui des productions surdimensionnées et celui des séries B. Considérées pour l’une comme le mal qui ronge le cinéma et pour l’autre comme une œuvre fauchée sans intérêt, cet amalgame ridicule fait trop souvent oublier que l’une ne peut exister sans l’autre, tant les emprunts réciproques se font sans cesse. Et très souvent, certains metteurs en scène ont, avec succès, accouché d’œuvres appartenant aux deux catégories. Richard Fleischer, Don Siegel, plus récemment Sam Raimi, Peter Jackson ou encore Joss Whedon.


Villeneuve appartient à cette lignée ; désigné digne héritier de Don Siegel pour les uns, imposteur pour les autres, il ne laisse personne indifférent. L’annonce de sa nomination à la tête du projet Blade Runner 2049, sans doute l’une des suites les plus attendues mais surtout les plus craintes de l’Histoire du cinéma a surtout laissé sceptique, voir pantois bon nombre d’observateurs. S’essayer à la science-fiction d’abord avec ce Premier Contact fut une façon d’aborder une première fois le genre, mais également une tentative de faire taire les détracteurs.
Les rencontres du troisième type n’ont point été forcément couronnées de succès par le passé. Mais elles ont engendrées quelques classiques : Le jour où la terre s’arrêta, Rencontres du troisième type, Abyss et bien entendu 2001. Certes Villeneuve n’hésite pas à célébrer ces classiques, Abyss en tête mais évite cependant l’hommage trop appuyé, procédé usé jusqu’à la nausée par d’autres.


Le cinéaste préfère se contenter d’une mise en scène classique et sobre, autant magnifiée par quelques plans extérieurs impressionnants  (l’arrivée en hélicoptère) que par une narration elliptique intrigante…mais bigrement efficace. Sans faire montre d’esbroufe, Villeneuve parvient à maintenir le suspense…et le secret jusqu’au bout. Bien évidemment la thématique du langage est prépondérante tout du long renvoyant à la Tour de Babel et à ses conséquences désastreuses sur l’Humanité. Pourtant, Villeneuve s’aventure bien au-delà des mythes, pour nous parler d’autre chose, d’autres formes de langage. Celui bien sûr du quotidien, celui qui traite de la pudeur des sentiments, de la douleur qu’on ne peut exprimer. C’est celui également de l’artiste et du cinéma en général ; ce langage sybillin si difficile à utiliser par le cinéaste et si difficile à décrypter pour le spectateur constitue le véritable enjeu sous-jacent lors du premier contact.
Si certains pourront reprocher la sobriété émotionnelle du long-métrage, force est de constater que Villeneuve se moque des tendances actuelles pour mieux visiter un genre. Pourquoi s’intéresser à l’infini, quand la gestion de l’espace se confine dans son propre esprit. En posant cette question, Villeneuve agacera les uns mais ne cessera de fasciner les autres. Et son Premier Contact n’engendre qu’une seule attente…voir son segment de Blade Runner.

Film américain de Denis Villeneuve avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Withaker. Durée 1h56. Sortie le 16 décembre 2016.

About François Verstraete

François VERSTRAETE, cinéphile et grand amateur de pop culture