Tunnel, de Kim Seong-hun

No man’s Land

Alors qu’il part retrouver sa famille, Jung Soo se retrouve piégé suite à l’effondrement d’un tunnel. Alors que des moyens colossaux sont mis en œuvre pour le sauver, il doit lui-même assumer sa survie immédiate avec le peu de moyens à sa disposition. Le compte à rebours commence.

Depuis le Memories of Murder de Bong Joon-Ho, le cinéma sud-coréen s’est tourné progressivement vers le cinéma de genre teinté d’une féroce peinture sociale. Et si le réalisateur de Mother a depuis largement confirmé, d’autres se sont engouffrés dans la brèche au fil des années. L’an dernier The Strangers et surtout Dernier Train Pour Busan avaient impressionné bon nombre d’observateurs. Kim Séong-Hun s’essaie au même succès avec Tunnel aujourd’hui. Auteur du remarqué Hard Day il y a trois ans, Kim Séong-Hun nous revient avec un produit dans la pure lignée des films catastrophe d’antan. Il expose sa galerie de personnages sans fioritures, avec efficacité. Si les protagonistes ne brillent guère pas leur originalité, ils incarnent en revanche des archétypes fonctionnels. Efficacité est le mot d’ordre d’ailleurs pour la mise en scène du sud-coréen. Présentation, sens minutieux du détail et du cadre, le cinéaste n’oublie rien dans sa quête du survival abouti. La construction de l’espace en outre se révèle impressionnante à l’intérieur du tunnel, le sentiment de claustrophobie rendu crédible par la caméra et la minutie du réalisateur. L’atmosphère anxiogène au sens propre et au sens figuré transpire plus que jamais à l’écran. En outre, le clin d’œil appuyé à Mac Tiernam sur le plan narratif accentue le plaisir non dissimulé à la vision du long-métrage.

En revanche sur le plan satirique, Kim Séong-Hun fait preuve d’une maîtrise formelle moins appuyée que lorsqu’il met en scène la tension liée aux événements qui se déroulent sous nos yeux. Certes le propos contient une noblesse équivoque où personne n’est épargné : industriels corrompus, médias sans scrupules et politiques hypocrites tout est à jeter dans ce violent jeu de massacre. La question du coût d’une vie revient sans cesse et interpelle quand d’autres sont sacrifiées. Pourtant, la critique se montre aussi virulente que trop explicite et perd en finesse ce qu’elle gagne en écho. Elle ne devient réellement efficace que lorsque le sort des hommes se lie à une farce des plus amères. L’ombre de Tanovic et son No Man’s Land plane alors furieusement sur le film.

Et la réponse finale cinglante du chef des secouristes fait figure d’acte rebelle…quelque peu gratuit malheureusement. Car malgré les velléités analytiques et critiques du long-métrage, il n’échappe pas par moments aux pires aspects bienséants qu’Hollywood ne renierait pas.

Objet de complaisance coupable, Tunnel détonne par sa maîtrise de l’image et en fait un film de genre agréable à l’œil mais inoffensif dans son propos. Malgré son discours subversif, Kim Séong-Hun ne parvient jamais à élever la puissance du débat tant il se limite à crier au lieu de susurrer. Le contraste entre la finesse de l’image et la maladresse du portrait sociétal nuit finalement à ce divertissement certes haut de gamme mais qui aurait pu être tellement plus.

Film sud-coréen de Kim Séong-Hun avec Ha Jung-Woo, Doonna Bae, Dai-Su Oh. Durée 2h06. Sortie le 3 mai 2017

About François Verstraete

François VERSTRAETE, cinéphile et grand amateur de pop culture