Un historien amateur
Bien avant Gérard Unger qui publia chez Fayard en 2005 une biographie d’Aristide Briand tournant au panégyrique, Bernard Oudin publia en 1987 chez Robert Laffont un ouvrage du même style. Pourquoi réhabiliter Aristide Briand ? Le personnage était-il maudit ou tombé dans l’oubli ? Fin manœuvrier voire finassier, ancien socialiste tombé au centre, Briand symbolise la IIIe République et ses compromis pour le meilleur et pour le pire. Rapporteur inspiré de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, il fut aussi président du conseil au moment de la bataille de Verdun, avant de devenir dans les années 20 l’apôtre de la réconciliation franco-allemande et de l’unité européenne. Bernard Oudin, auteur d’ouvrages sur Sherlock Holmes ou Zapata, proposait à l’époque un portrait de l’homme plein de louanges : qu’en est-il au final ?
Un homme d’Etat contrasté
Qu’on soit clair : qu’Aristide Briand ait été socialiste avant de quitter le mouvement pour participer au gouvernement de la République ne pose aucun problème. Les querelles byzantines des socialistes de cette époque, , partagés entre partisans de Jules Guesde (futur ministre de Briand !) et Jean Jaurès font sourire… On sait aussi aujourd’hui, comme le démontre Bernard Oudin, que Briand joua un rôle positif, dans le sens de l’apaisement, dans les débats qui ont mené à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. On est plus circonspect par contre, avec nombre d’historiens, sur son rôle durant l’année 1917. Oudin semble estimer qu’une chance de paix a été ratée à l’époque lors des échanges avec le baron Lancken. Il convient ici de renvoyer aux travaux de Georges-Henri Soutou, entre autres, pour montrer que jamais l’Etat-major allemand n’envisagea une paix impliquant la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France… Et la France n’aurait accepté une paix blanche. Cet ouvrage est ici (ce qui n’enlève rien à d’autres aspects très stimulants) tributaire de son époque, les années 80, époque très iconoclaste… Reste que, dans les années 20, Briand eut certainement des intuitions pleines d’avenirs sur l’unification européenne ou la réconciliation franco-allemande, malheureusement trahies par l’accession d’Hitler au pouvoir. Voilà en tout cas une biographie stimulante.
Sylvain Bonnet
Bernard Oudin, Aristide Briand, Perrin collection Tempus, mars 2016, 927 pages, 12,50 €