Eat and Run, de Scott Jurek

Eat & Run (manger pour gagner), de Scott Jurek

Traduction Jean-Philippe Lefief

Scott Jurek est né dans le Minnesota, aux USA, de parents polonais. Il a eu une enfance difficile, entre une mère atteinte d’une sclérose en plaques et un père autoritaire. Un peu par hasard, il découvre qu’il est capable de participer à la Minnesota Voyageur 50-miler et termine 2ème de cette prestigieuse course. Sa vie d’ultra-marathonien commence alors, et à la suite sa quête d’une alimentation plus saine.

Scott Jurek a découvert en 1994 qu’il avait un fort potentiel pour la course à pied en nature, le trail. Il a dominé la compétition pendant 20 ans, en participant à plusieurs courses parmi les plus difficiles de la planète : Minnesota Voyageur 50 miler plusieurs fois, Western States 100-Mile plusieurs fois également, mais aussi de nombreuses autres parmi lesquelles la Hardrock 100, la Badwater, le Oxfam Hong Kong Trailwalker (100K), le Spartathlon, l’UTMB… Certains très bons amis l’ont poussé à rédiger un livre sur son expérience de coureur en ultracompétition.

Scott Jurek est un homme sincère, et quand il se décide à écrire son livre, il se lance un peu sans savoir où cela le mènera, bien loin de l’esprit de compétition qui l’anime lorsqu’il se lance sur un ultra. Pour ce livre, il aura besoin d’assistance, de pacer également. C’est par le biais de l’intime qu’il partage son expérience en racontant non seulement ses succès mais aussi ses doutes, ces doutes qui l’ont animé tout au long de sa vie. Il raconte son amour inconditionnel pour sa mère, la femme la plus forte du monde. Clouée la majeure partie de sa vie en fauteuil roulant, c’est elle qui lui donnera la force d’avancer. Son père, autoritaire, lui apprendra paradoxalement à garder un certain self-control, et une once de sagesse.

L’histoire de cet athlète qui ne se destinait pas du tout à la course à pied, et qui finit par devenir leader et gagnant de plusieurs ultra trails de renom à travers la planète est touchante et absolument fascinante. Avant de lire son livre, on peut voir une note de l’auteur, comme un avertissement qui dirait : « à ne pas reproduire à la maison ». Bien sûr, il déclare avant toute chose qu’il n’est pas médecin, et que chacun fait comme il l’entend, qu’il ne saurait être responsable de ce qui pourrait nous arriver si on se lançait comme il le fait dans un ultratrail. Il faudrait être fou, ou rudement bon pour se lancer sur ses traces… et pourtant, il y a bien un exemple à suivre dans cet ouvrage, et de taille !

Car le livre de Scott Jurek, par le biais de cet intime qu’il nous rapporte en marchant sur des oeufs, lui le coureur assoiffé de victoire, l’intrépide, le sans pitié face à ses concurrents, ne parle pas uniquement de course à pied. Il s’agit belle et bien d’un livre susceptible d’intéresser tout à la fois les sportifs, les amoureux de la nature, les lecteurs invétérés d’aventures formidables, les quarantenaires en quête de sens, les bobos en quête d’absolu, et mêmes les imbéciles heureux (ou malheureux d’ailleurs). Ajoutons qu’il intéressera forcément les véganes, les protecteurs des animaux, les anti capitalistes et j’en passe. En un mot, ce livre est sans doute l’un des plus universels lus ces derniers temps.

« Toutes les douleurs ne sont pas significatives »

En courant, il vous arrivera de repenser à un conseil bien senti de l’athlète, et ça vous sortira de ce mauvais point de côté qui vous tiraille depuis 300 mètres. Vous vous sentirez pousser des ailes et vous partirez malgré votre renommé vertige gravir de belles randonnées avec 900 mètres de dénivelé positif. Quand vous aurez lu que Scott Jurek a un jour marché par mégarde sur un serpent à sonnette sans s’en apercevoir le moins du monde, vous vous ficherez bien des vipères que vous pourrez croiser dans la garrigue.

Enfin, vous aurez envie de suivre ses conseils quand vous ferez vos courses. Vous privilégierez les petits producteurs, les petits plats maison au lieu de vous ruer au supermarché pour acheter un plat tout préparé ou même une boite de conserve. Le livre, vous le verrez, est truffé de recettes végétaliennes faciles à reproduire. Scott Jurek a effectivement découvert au début de sa carrière qu’il était plus bénéfique pour son corps, ses performances, et son temps de récupération d’arrêter de consommer des produits d’origine animale. Il a parcouru ce chemin petit à petit jusqu’à parfaire son régime végétalien avec un soin extrême. Sous sa plume, cela paraît extrêmement facile et efficace. Sans pour autant faire de prosélytisme ni de politique, l’athlète montre à quel point ce régime a changé sa vie et amélioré sa condition physique. « On n’imagine pas manger du maïs OGM et consommer des antibiotiques en quantité, pourquoi manger des animaux à qui on a fait suivre ce régime toute leur vie ? ».

Le livre Eat & Run est une véritable leçon de vie, doublée d’une profonde réflexion sur le corps et ses capacités. Il est à inscrire au panthéon des ouvrages à garder précieusement, un peu comme une bible de la bonne conduite physique et mentale. Il faut sans doute le relire, pour s’imprégner mais aussi par plaisir. Ce gars là est un monument, un modèle par bien des aspects. Il vous redonne confiance et vous guide chaque jour avec bienveillance, en revenant parler à votre oreille dans les moments difficiles. Magique.

Eat & Run, Scott Jurek, Editions Guérin (Paulsen), mai 2015, 25 euros, 318 pages.

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.