Diplomate et historien
Ancien ambassadeur, Jacques-Alain de Sédouy fait partie de ces diplomates qui aiment aussi conter fleurette à Clio. On lui doit une excellente biographie du comte Molé (Perrin, 1994), une étude serrée sur Le congrès de Vienne (Perrin, 2003) ou encore un ouvrage remarquable sur Le concert européen (Fayard, 2009). Ce dernier système de concertation entre puissances, inauguré après le congrès de Vienne, permit à l’Europe d’échapper à un conflit généralisé jusqu’en 1914. Après la victoire de 1918, les Alliés doivent construire un nouvel équilibre en tenant compte d’un nouvel acteur, les Etats-Unis.
Une analyse solide et classique
D’Ils ont refait le monde émerge plusieurs idées fortes. D’abord, malgré les insistances de Wilson, les puissances ont, lors de leurs négociations, fait appel à des réflexes et des attitudes qui devaient beaucoup à l’ancien système du concert européen. Ensuite, Sédouy démontre (on peut émettre des réserves) que ce traité n’était pas si imparfait. Il préservait l’unité de l’Allemagne et son potentiel économique, malgré les projets français d’annexion de la rive gauche du Rhin. Il fixait aussi les frontières de nouveaux états (la Pologne, la Tchécoslovaquie) devant faire contrepoids à l’ennemi héréditaire (ce qu’on appellera la petite Entente dans les années 20) et à Russie bolchevique. On regrettera cependant que l’auteur ne fasse pas plus de place à l’erreur des Alliés de rejeter la responsabilité du déclenchement de la guerre sur l’Allemagne : en l’espèce, si on analyse les causes profondes du conflit, les torts sont partagés.
Les zones d’ombres de Versailles
Par contre, les alliés firent l’impasse sur la Russie, en pleine guerre civile, ce qui aura des conséquences par la suite. Le traité sera ce qu’on en fera, déclara en substance Clemenceau lors des débats parlementaires portant sur la ratification du traité. Le problème est que les dirigeants des années 30 ne furent certainement pas à la hauteur : cela mériterait un autre livre. En tout cas, voici un excellent ouvrage, pédagogue et accessible, qu’on ne peut que recommander pour comprendre le traité de Versailles.
Sylvain Bonnet
Jacques-Alain de Sédouy, Ils ont refait le monde, Tallandier, août 2017, 352 pages, 23,50 €
