Tout commence par un chaos fracassant. Le monde est ensanglanté par la guerre, les êtres humains se déchirent et emportent avec eux dans la tombe nombre d’animaux. Face à tant de cruauté, les plus faibles des humains et les animaux rescapés se rapprochent et communient. De cette rencontre/fusion au coeur de la forêt naîtra un jeune homme qui ne connaît rien de ses semblables. Sont-ils vraiment ses semblables ?
Bientôt recueilli par d’autres humains, élevé sous leur protection, il apprendra peu à peu leur langage, fait tantôt de rancoeur, de violence, de souvenirs et de convoitise. Puisque ce langage est tout ce qui semble le raccrocher à eux, on l’appellera Babel.
La violence, encore ne cesse de resurgir. Il s’agira de déguerpir encore, migrer vers d’autres possibilités. Avec une infinie délicatesse, Sylvie Germain parvient à faire grandir et mûrir son personnage, sans finalement en faire l’un des nôtres. Elle le tient à distance d’une compréhension totale de notre monde : c’est que sans doute, il n’y a rien à comprendre des querelles humaines.
Livre universel, phénomène étrange, opus mystérieux, A la table des hommes est un cri silencieux qui traverse les âges : on y devine à quel point les conflits d’hier et d’aujourd’hui sont similaires, à quel point l’histoire se répète, et combien il est nécessaire de garder ses distances, y compris avec l’amour, quel qu’il soit.
Sylvie Germain signe ici un roman d’une noirceur magnifique, éclairé par une langue précise, envolée, et tourmentée.
A la table des hommes, Sylvie Germain, Livre de poche, Septembre 2017.