Un duo franco-allemand
Antoine Prost est un historien du vingtième siècle et est l’auteur d’une thèse remarquable, La CGT à l’époque du Front Populaire (Armand Colin, 1964). Sur la grande guerre, il est l’auteur d’un essai important, écrit en collaboration avec Jay Winter, Penser la Grande guerre (Seuil, 2004). Quant à Gerd Krumeich, il s’agit d’un historien allemand spécialiste de la première guerre mondiale, également vice-président du centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne. C’est aussi un spécialiste de Jeanne d’Arc auquel il a consacré plusieurs livres dont Jeanne d’Arc à travers l’Histoire (Albin Michel, 1993). Le duo a publié un livre sur la bataille de Verdun chez Tallandier en 2015, republié ici dans la collection « Texto ».
Des deux côtés de la bataille
L’intérêt de cet ouvrage, au-delà du récit clair et précis des combats, est de démontrer que la bataille de Verdun n’eut pas du tout la même signification en France et en Allemagne. Du côté français, le double choix de défendre la ville sur la rive droite de la Meuse et de la « noria », c’est-à-dire du « turn-over » des divisions françaises sur le front, donne à la bataille une importance politique et médiatique qu’elle n’avait pas au début. De plus, admettons ici que la stratégie défensive de Pétain, dont le mythe nait en 1916, paie face à l’offensive allemande. Falkenhayn aura beau, après coup, affirmer qu’il voulait saigner l’armée française, il envisageait initialement bien de percer le front. Mais les allemands, aussi saignés que les français, ne donneront pas à Verdun la même dimension sacrificielle, contrairement à la bataille de la Somme qui a lieu la même année. Dans la troisième partie, les auteurs montrent avec brio la naissance d’une mémoire allemande de Verdun, sublimée par les nazis qui y voient la naissance d’un nouvel allemand au casque d’acier…
En tout cas, voici un ouvrage pertinent et brillant sur la bataille et la mémoire de Verdun.
Sylvain Bonnet
Antoine Prost & Gerd Krumeich, Verdun 1916, Tallandier collection « Texto », septembre 2017, 384 pages, 10 €