Exposition Eugene Richards

Les gens normaux ont tout d’extraordinaire


Au sein du paysage du photojournalisme, Eugene Richards tient une place de choix  parmi les professionnels Outre-Atlantique. Son parcours engagé depuis sa sortie de l’adolescence jusqu’à aujourd’hui et sa volonté de porter aux nues la crudité de la misère aux Etats Unis bien sûr mais également en Afrique ou en Amérique du Sud témoignent d’une personnalité hors norme, humaniste et tenace.  En quarante ans de carrière, Richards n’a jamais hésité à susciter la controverse, à appuyer là où ça fait mal avec le fol espoir de rendre compte à un large public, du monde en déliquescence qui l’entoure.

L’exposition en cours permet de (re)découvrir les quarante ans de carrière de cet artiste hors norme. Si la scénographie n’est point originale, elle est cependant suffisamment efficace pour rendre hommage au travail du photojournaliste. Et la vue est stupéfiante. Si l’on peut lui reprocher par moments un côté racoleur, on ne peut en revanche que s’incliner face à l’impact provoqué par le réalisme plus que parfait de ces images de vie quotidienne.

On peut séparer son œuvre en deux grandes parties distinctes. D’une part tous les maux sociaux qui l’on frappé directement ou indirectement. On dénotera bien sûr le quotidien rude et crasse de sa ville natale, Dorchester. Mais surtout, les combats que lui ou ses proches ont mené. L’objecteur de conscience ayant refusé le Viêt-Nam resurgit alors quand il dit que la guerre pour lui est un sujet personnel. On devient hanté alors par les vies brisées des vétérans qui ont survécu ou ceux qui survivent aux défunts.  Celle d’une femme encore belle dans la mort ou celle de cet homme à jamais amoindri par sa blessure au cerveau. On retrouve également l’image du mari aimant quand il suit avec affection son épouse atteinte d’un cancer du sein, convalescente et battante, jusqu’à la mort…

D’autre part, il montre son attachement au quotidien des plus démunis mais aussi des familles moyennes, aux petites joies et aux grandes peines. Son regard ne juge jamais mais ne se détourne pas non plus de la terne réalité qu’il observe. Son analyse choc des victimes de la drogue en est une évidence. On y voit pèle mêle les personnes accros s’adonner à leur addiction dans des taudis se cachant souvent de leurs proches et d’autres pratiquer le trafic de la honte pour survivre. Il suit également l’émancipation freinée de la communauté afro-américaine post Martin Luther King dans un Arkansas peu enclin au changement. Il s’intéresse également aux héros d’un système de santé en perdition aux urgences de Denver ou dans les établissements psychiatriques mexicains.

Partout Richards remet en cause le rêve américain, la misère dans les pays en voie de développement à travers les familles qu’il immortalise à travers son objectif. Pourtant, son cynisme cesse quand il évoque l’unité  au sein de ces communautés et la volonté farouche qui les anime. Car au-delà du bien et du mal, de la pauvreté et de la souffrance, c’est bel et bien au sein du foyer et des siens que chacun trouve quelque réconfort à son infortune.

Témoin du réel et de l’instantanéité des communautés en perdition, Eugène Richards n’est point l’alpha ou l’oméga d’un mouvement réflexif mais plutôt un exemple fort d’idéalisme jamais renié. Il est donc vivement conseillé de contempler une œuvre loin d’être achevée.

Exposition photographique à la Grande Arche de la défense du 23 octobre 2017 au 10 janvier 2018

About François Verstraete

François VERSTRAETE, cinéphile et grand amateur de pop culture