Joueuse née
Maryline quitte son village natal pour devenir actrice. Confrontée à la cruauté du monde extérieur, elle va s’efforcer de gravir les échelons pour réaliser son rêve.
Pour un large public et certains critiques, user d’un scénario efficace et ciselé n’est point seulement un facteur prépondérant au cinéma mais bel et bien une vertu indéfectible. Pourtant l’absence volontaire de scénario pour privilégier la mise en scène s’avère parfois nécessaire au sein d’un art où le traitement se doit être plus important que le sujet. On se souvient par exemple d’Hatari d’Howard Hawks dépourvu de scénario, mais pourtant petite merveille de film d’aventures dirigée de main de maître. Mais il est évident qu’user d’un tel procédé relève du numéro d’équilibriste, périlleux au possible.
Pour son second long-métrage, Guillaume Gallienne opte donc lui aussi pour une absence de véritable scénario pour se concentrer par saynètes sur le récit d’apprentissage de sa protagoniste. A l’instar de son premier film Guillaume et les garçons à table, il use de tableaux liés plus par la présence charismatique du personnage principal que par une véritable cohérence narrative. Seul véritable fil conducteur, la volonté d’une provinciale aspirant à une vie meilleure et rêvant de devenir actrice à la ville. Si la thématique a été portée de trop nombreuses fois à l’écran, le cinéaste refuse toutefois la carte de la simplicité, élaguant ce conte en chemin de croix, n’épargnant rien et n’oubliant rien. S’il s’échoit dans quelques plans racoleurs (la vue sur la mer, le souvenir de l’animal blessé), il n’omet jamais en revanche de revenir encore et toujours caméra et plans serrés à l’appui sur le destin à la fois ordinaire et pas comme les autres de d’une jeune femme en quête de son identité mais aussi de reconnaissance.
Il multiplie alors les ellipses jouant entre habileté et maladresse pour se concentrer sur la vie dissonante et attachante d’une héroïne désenchantée, au parcours douloureux, taiseuse incapable de sortir de son mal être autre que par la boisson. Cette suite discontinue d’événements rappelle par moments Nous ne vieillirons pas ensemble autant par l’authenticité que par la violence crûe du quotidien. L’ombre de Pialat plane alors furieusement sur le film de Gallienne tant ce dernier cherche à véhiculer cette force primale qui habite chacun d’entre nous et qui resurgit à chaque plan où Adeline d’Hermy apparaît. Nul doute que la force première du réalisateur est bien sa direction d’acteurs. Maryline est avant tout une direction qu’une mise en scène, une œuvre puisant plus dans les fondements même de son héroïne que dans le décor intemporel et universel dans lequel elle évolue. Nul doute qu’il est raisonnable de voir dans cette frise une certaine vacuité quand sonne l’heure de la raison du pourquoi. Pourtant, l’absence de réponse n’est point un mal quand la question ne repose pas sur l’essence même de l’existence de l’œuvre. Et si Gallienne affiche par moments ses limites, la faute à une naïveté si ce n’est déplacé tout du moins malvenue, il mène coûte que coûte son entreprise généreuse.
Après un premier long-métrage réussi, tous attendaient beaucoup plus que Maryline de la part du réalisateur. Pourtant si le film souffre d’un manque criant de maturité, il compense par une énergie indéfectible et se voit transfiguré par son interprète principale. Pour certains crier son amour au théâtre ne devrait plus être d’actualité n’en déplaisent à Renoir ou Carné. Pourtant quand les lumières se rallument sous les applaudissements, les images du Dernier Métro et d Carosse d’or font échos à la candeur du metteur en scène.
Film français de Guillaume Gallienne avec Adeline d’Hermy, Anna Shaeffer, Vanessa Paradis. Durée 1h47. Sortie le 15 novembre 2017