L’homme qui rétrécit
Futur proche. La découverte d’une formule révolutionnaire permet à l’humanité de rétrécir considérablement divisant d’autant ses besoins de consommation. Profitant de l’aubaine, de nombreuses personnes optent pour cette nouvelle vie plus à même de combler leurs besoins. Quand Paul choisit avec son épouse de tenter cette expérience sans retour possible, il n’imagine pas que sa vie changera à jamais et pas seulement sur le plan physique.
Les dangers liés à la surpopulation et à la surconsommation ne datent pas d’hier, et font plus que jamais débat à l’heure des interrogations sur les catastrophes écologiques en cours. Dans les années soixante-dix, Richard Fleischer avait taillé un portrait fulgurant et désabusé d’un futur proche en mal de son confort alimentaire avec le troublant Soleil Vert. Mais si le cinéaste avait opté pour un haletant thriller d’anticipation, Payne choisit aujourd’hui le ton léger d’une comédie douce-amère pour nous parler de ces problèmes et plus encore, avec Downsizing.
Bien évidemment Payne ajoute au sujet ses problématiques habituelles, la perte, le déni et la quête pour récupérer ce que l’on a perdu. Et comme très souvent, il dirige habilement son casting pour y parvenir. Matt Damon rejoint alors ses prédécesseurs, Jack Nicholson, George Clooney ou encore Paul Giamatti. Et dans cette partie introspective, Payne excelle dans la remise en question des fondamentaux de vie et la crise de l’identité. L’auteur de Sideways ne semble pas avoir perdu la main pour plonger Matt Damon dans les sentiers de la déperdition.
En outre, il s’amuse comme un enfant avec des effets spéciaux remarquables à même de recréer ces espaces infiniment petits, où devenir un lilliputien s’apparente à une forme de militantisme…ou d’accession à un autre confort de vie.
Et c’est justement là où Payne affiche ses limites, quand il s’évertue à dépeindre les maux du capitalisme et de l’American way of life en général. Si la base de son scénario se veut solide et originale, il s’englue au fur et à mesure dans des poncifs éhontés car non constructifs, juste démonstratifs et en aucun cas analytiques. Certes, à l’instar de son protagoniste suédois, on ne peut que s’alarmer de la liquéfaction progressive de la planète. On peut également s’indigner des inégalités, qui perdurent quel que soit l’endroit où l’on vit ou la taille que l’on fait, les plus pauvres sont toujours frappés. Pourtant, ce petit discours bienséant sent trop l’odeur de frelaté à défaut de sentir le soufre et ne fait en aucun cas avancer la pensée alarmiste du récit.
A l’arrivé, Payne accouche d’une œuvre bicéphale. Habile dans la déconstruction et l’introspection de son personnage principal, parfois réellement touchante, elle devient en revanche maladroite quand elle se transforme en pamphlet aux vers mal accouplés. Si l’esthétisme de l’ensemble fait office de miroir aux alouettes, le ramage grisonne et s’assombrit au fil des minutes, la faute en incombe à des choix si ce n’est mal à propos, au moins malheureux. Victime de ses ambitions, Payne séduit toujours par ses forces primaires et déçoit par un manque cruel de savoir-faire à l’heure des choix.
Film américain d’Alexander Payne avec Matt Damon, Kristen Wiig, Christoph Waltz. Durée 2h16. Sortie le 10 janvier 2018