Un historien majeur
Ces dernières années ont vu Didier Le Fur s’affirmer comme un des meilleurs spécialistes du XVIe siècle français. Il a publié quatre biographies « royales » sur Louis XII (Perrin, 2001), Charles VIII (Perrin, 2006), Henri II (Tallandier, 2009) et François Ier (Perrin, 2015), très bien écrites et qui ont fait date. La dernière a permis de jeter un regard neuf sur le règne d’un Roi dont l’histoire avait été peu à peu recouvert par une mythologie historique née au XIXe siècle. Le Fur a permis surtout de redécouvrir le discours idéologique tenu par les souverains de la période lors de leurs entrées dans les grandes villes. Il revient là-dessus dans Une autre histoire de la Renaissance et aussi sur la notion même de Renaissance.
Un concept tardif et problématique
Dans son introduction, notre historien revient sur la naissance de l’idée de Renaissance au XIXe siècle au moment de la Restauration. Il s’agit de trouver dans le passé une période idyllique et des monarques populaires (Louis XII, le « Père du peuple ») et aussi un moment où les arts (au sens large) sont florissants. Ce sera la Renaissance, avec ses écrivains prestigieux (Ronsard, Clément Marot, Rabelais), datée entre 1492 (la découverte de l’Amérique, dont les français sont exclus) et le début des guerres de religion, après la mort d’Henri II en 1559. Or il s’agit d’une reconstitution Historiographique. Si les contemporains ont eu le sentiment de vivre une période particulière, d’autres raisons les y poussent.
Prophéties, fin des temps et le dernier empereur
Avec maestria, Didier Le Fur nous fait le portrait d’une époque inquiète, pleine d’attentes eschatologiques qui remontent au Moyen-âge. L’Europe a été marquée par la chute de Constantinople et les progrès des turcs Ottomans. L’idée de croisade est toujours vivante et sert la propagande de Charles VIII : la prise du royaume de Naples est une étape vers une expédition vers la Grèce, Constantinople et… Jérusalem. Qui d’autre que le Roi de France pour incarner cette espérance, lui qui descend de Charlemagne (par les femmes) ? Des rois de France qui guerroient en Italie, avec des soutiens locaux importants et des succès. Mais c’est Charles Quint qui va incarner, à la place de François Ier, le mieux ce mythe de « l’Empereur des derniers temps » tout en marquant la fin provisoire du rêve italien des français. Un rêve qui perdure sous Henri II, un monarque qui remporte bien des succès avant la paix du Cateau-Cambrésis, conclue aussi par peur du péril protestant. Grand ouvrage que vient de nous donner ici Didier Le Fur ! rien de tel pour découvrir une période ô combien fascinante.
Sylvain Bonnet
Didier Le Fur, Une autre histoire de la Renaissance, Perrin, février 2018, 384 pages, 22 €