Un historien du catholicisme
Professeur à l’université de Paris-Est Créteil, Guillaume Cuchet a publié des ouvrages sur l’ancienne religion majoritaire comme Le crépuscule du Purgatoire (Armand Colin, 2005) ou Penser le christianisme au XIXe siècle : Alphonse Gratry (Presses Universitaires de Rennes, 2017). Il se penche ici sur une énigme de notre histoire contemporaine : que s’est-il passé dans les années 1960-70 pour que la pratique du catholicisme s’effondre à des niveaux jamais vus auparavant ?
Un effondrement spectaculaire
Guillaume Cuchet retrace avec beaucoup de minutie ce qu’était le catholicisme français des années 50. La Révolution avait entériné une déchristianisation du bassin parisien et du Sud-Ouest, bien montré par les études du chanoine Goulard. On croit cependant à l’époque à une reconquête chrétienne au sortir du second conflit mondial. Or, passé le milieu des années 60, les taux de « messalisants » et de « pascalisants » baisse. Sur le long terme, il en est de même du nombre de baptêmes et de mariages. Si aujourd’hui une courte majorité de français se dit catholique, il s’agit d’un phénomène culturel car il existe nombre de « baby-boomers » en retraite qui sont baptisés… leurs enfants, eux, ne le sont plus. Pourquoi une telle prise de distance ?
La faute à la sécularisation et à Vatican II ?
Au cœur du livre se trouve l’hypothèse suivante : les progrès de la société de consommation, les changements culturels en marche depuis la Révolution française ont amené la déchristianisation « finale » des années 60. Mais le déclenchement revient aux bouleversements de la pastorale entraînée par le concile Vatican II. La fin des obligations de pénitence et d’assistance à la messe ont par exemple sonné le glas d’un catholicisme de masse qui existait depuis des siècles. Au profit d’une meilleure spiritualité, pensait-on. La fin de la croyance en l’enfer (une conséquence des deux guerres mondiales ?) et dans le péché originel, l’insistance sur un « dieu amour » ont achevé de désarçonner les fidèles. Soit. Cuchet excelle à décrire ce changement de civilisation dont nous sommes les héritiers. On se permettra de noter, à titre personnel, qu’ « ils » étaient alors bien peu chrétiens si leur foi s’est alors effondrée pour cela…
Un ouvrage pertinent et majeur en tout cas.
Sylvain Bonnet
Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien, Seuil, février 2017, pages, 21 €