Hostiles

Rapaces

1892. Joseph Bloker ancienne gloire militaire est désormais un gardien de prison. Il doit escorter à contrecœur un chef de guerre Cheyenne mourant, pour qu’il puisse reposer sur ses terres. Sur la route, il croise Rosalie Quaid, une femme meurtrie récemment par le destin…

Depuis plus de vingt ans, la mort du western est le refrain d’une chanson exagérant ou idolâtrant le chant du cygne d’un genre majeur hollywoodien, voire du cinéma tout court. Pour beaucoup, Eastwood et Impitoyable ont donné le coup de grâce au dit genre avec le sang, la sueur et les larmes que l’entreprise impliquait. Pourtant, d’autres se sont essayés au genre depuis le chef-d’œuvre du maître. On se souvient du séduisant Open Range, du remake maladroit 3h10 pour Yuma, et du boursoufflé Django Unchained. Mais si depuis Impitoyable, plus rien ne doit être comme avant, pourquoi s’obstiner encore et encore à  tourner des films du genre chéri par John Ford et Anthony Mann.

La réponse ne se trouvera pas dans Hostiles, quatrième film de Scott Cooper, honnête artisan avec à son actif un Strictly Criminal efficace, sans fioritures ni génie. Le cinéaste retrouve Christian Bale qu’il avait déjà dirigé dans Les brasiers de la colère. Pour ce même Christian Bale, ce n’est pas son premier western après sa performance remarquée dans le remake de 3h10 pour Yuma de James Mangold. Il est ici accompagné de Rosamund Pike et les deux acteurs délivrent une nouvelle fois une composition de premier ordre, le premier dans son rôle de héros de guerre hanté par son passé, la seconde en femme brisée. Scott Cooper les entraîne alors dans un voyage au bout de la nuit duquel aucun protagoniste ne reviendra indemne. Dans le fatras des illusions perdues et des péchés enfouis sous le poids des remords personne n’est épargné. Les héros de la guerre de Sécession ne sont que des bourreaux, certains Indiens de vulgaires pilleurs, la parole du président devient sans emprise, les trappeurs de vulgaires violeurs. Dans l’Ouest crépusculaire tout devient bon à jeter à l’aube d’un vingtième siècle placé sous les auspices des grandes villes et de la fuite des grands espaces. Ces grands espaces, le réalisateur n’en fait point l’éloge écartant le lyrisme des maîtres d’antan. Tout y est ocre et désolé, désolant, morne plaine et tristes étendues montrées comme le no man’s land d’un champ de bataille à l’abandon. Les personnages se mettent d’ailleurs au diapason de ce décor déraisonnable, sauvage et brutal à l’instar de leurs motivations premières.  Le réalisateur partage sa perception d’un univers convalescent, où chaque atome ne subsiste que pour cultiver le terreau de la rédemption. Point d’ordre mené par un courageux shérif dans ces contrées mais plutôt un conglomérat  chaotique habité par des spectres tantôt vengeurs tantôt avides toujours enclins à une violence sourde et singulière.

Pourtant en dépit de toutes ses velléités, Cooper ne parvient pas en revanche à porter son film au firmament, la faute en incombe à un manque de cohésion flagrante dans un final débridé tournant au mauvais jeu de massacre et à une mise en exergue trop appuyé des qualités d’Impitoyable. A force de trop vouloir copier le maître dans la désacralisation du mythe de l’Ouest et de ses intervenants, Cooper perd de son identité.

C’est pourquoi au final, le metteur en scène accouche d’un film emprunt du regret du verre à moitié plein. Désirant éviter les écueils des stéréotypes, il n’arrive point cependant à se défaire de ses modèles. Ni véritable produit mais ni film d’auteur achevé Hostiles ne se hisse pas à la hauteur de ses ambitions premières. Malgré ce constat négatif, ses qualités intrinsèques en font un long-métrage honorable à défaut d’être mémorable.

Film américain de Scott Cooper avec Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi. Durée 2h13. Sortie le 14 mars 2018.

About François Verstraete

François VERSTRAETE, cinéphile et grand amateur de pop culture