Professeur à l’école normale supérieure de Lyon, Nicolas Richer a déjà publié des études dédiées à Sparte : on lui doit ainsi La religion des spartiates (Les belles lettres, 2012) et Les Ephores, études sur l’histoire et l’image de Sparte (Publications de la Sorbonne, 1998). Au printemps, il publie Sparte, cité des arts, des armes et de la loi chez Perrin, une somme sur la rivale d’Athènes qui fera date pour notre génération d’amateurs d’histoire (on citera le Sparte d’Edmond Lévy, qui remonte à 2003).
Derrière les idées préconçues
On a fait de Sparte un mythe au cours des siècles. Des révolutionnaires français, comme Robespierre, y ont par exemple vu un exemple d’égalité parfaite entre citoyens et fait de Lycurgue un modèle de législateur. On a vu également dans les spartiates des soldats nés, d’excellence et il est vrai que leur réputation date de l’antiquité même, grâce notamment au sacrifice de Léonidas aux Thermopyles face aux perses. Nicolas Richer démontre en tout cas que l’égalité des citoyens relève du mythe, né de la confusion sur le mot grec « homoioi », qui signifie « semblable » et non « égal ». Les inégalités de fortune existaient malgré certaines lois et l’enrichissement des élites était patent, surtout au IVe siècle, après la victoire contre Athènes. N’oublions pas aussi le rôle des hilotes, sortes d’esclaves cultivant la terre pour permettre aux citoyens de s’entraîner pour la guerre. Enfin, si les spartiates étaient de très bons soldats, leur organisation militaire négligeait la mer et souffrait de l’oliganthropie : de moins en moins de citoyens, de moins en moins de soldats. Notons que les spartiates exerçaient un certain eugénisme, écartant les bébés souffrant de malformations ou susceptibles d’être épileptiques (comme à Rome, cela dit).
Une cité grecque aspirant à l’hégémonie
Sparte, de par son organisation civique, par ses dieux, est une cité grecque. Ses deux rois sont issus de deux familles dont l’une est censée descendre d’Héraclès ; leur pouvoir est soigneusement encadré par les éphores et les gérontes. Ses succès militaires et sa domination sur le Péloponnèse la pousse naturellement vers l’hégémonie en Grèce. Elle trouve en Athènes une rivale, qu’elle va encourager en se désintéressant de la lutte contre la Perse dans les années 470, ne participant à la ligue de Délos. Malgré l’oliganthropie et son désintérêt pour les affaires maritimes, on est au final impressionné par sa victoire dans la guerre du Péloponnèse, en partie grâce aux efforts de Lysandre et à l’argent des Perses. Quant à la défaite de Leuctres face à Thèbes en 371, Sparte y perd l’hégémonie et la Messénie mais, selon Nicolas Richer, sauve son système social : les spartiates, devenus trop peu nombreux, auraient eu énormément de mal à se maintenir dans cette région.
Une excellente synthèse qui fera date.
Sylvain Bonnet
Nicolas Richer, Sparte, Perrin, mars 2018, pages, 25 €