Un antiquisant de renom
Membre du conseil scientifique de la revue L’histoire, professeur émérite à l’université de Tours, Maurice Sartre est un des grands spécialistes de l’Orient antique : on lui doit ainsi D’Alexandre à Zénobie, la Syrie antique (Fayard, 2001). Il est aussi l’auteur d’une biographie de Zénobie (Perrin, 2014) et de Palmyre vérités et légendes (Perrin, 2016), coécrits par Annie Sartre-Fauriat. Il a publié à la rentrée une biographie de la femme la plus célèbre de l’antiquité, Cléopâtre, dont la légende de femme fatale a obscurci le personnage historique (la magnifique Elizabeth Taylor dans le film de Mankiewicz y a puissamment contribué).
Une femme politique
Le sous-titre de la biographie, « un rêve de puissance », est éloquent et résume l’ambition du livre : prendre au sérieux la tentative de Cléopâtre de restaurer la puissance de l’Egypte Lagide dans une méditerranée sous domination romaine. Là apparaît l’évidence : nous sommes, malgré le portrait 0à charge, partial, légué par l’historiographie romaine, d’une femme d’exception, de culture grecque, vraie politique, qui a tenté du mieux qu’elle pouvait d’arriver à ses fins. Elle s’est ainsi servie de sa relation avec César pour éliminer son frère Ptolémée XIII. Sa relation amoureuse avec Antoine se situe dans cette optique : il lui attribue effectivement certains territoires autrefois détenus par ses ancêtres. Mais l’un et l’autre, malgré une relation intime dont nous ne saurons jamais tout, sont des animaux politiques : Antoine donne une place privilégiée à l’Egypte dans un réseau de royaumes-clients où Rome domine largement. Cléopâtre a joué et a fait illusion, masquant le déclin politique de l’Egypte Lagide. La défaite d’Actium sonne la fin pour elle et sa famille, l’Egypte devenant une province romaine.
Une excellente étude qui démontre encore une fois l’excellence de Maurice Sartre.
Sylvain Bonnet
Maurice Sartre, Cléopâtre, Tallandier, septembre 2018, 349 pages, 21,50 €
