Avengers forever
Après les événements relatés dans Infinity War, les héros survivants planifient une riposte contre Thanos pour sauver ce qui peut encore l’être…
Disons le d’emblée, Avengers Endgame n’est point un chef-d’œuvre. Confirmons le d’entrée, oui c’est bel et bien un produit. Pourtant, au sein de la pop culture , il est vrai qu’auparavant, il n’y avait pas de produits mais uniquement des films d’auteur et des chefs d’œuvre. Il est vrai qu’une large partie des Star Wars (bien avant Disney, je précise), les films de James Cameron, ceux de Peter Jackson sans compter bon nombre de films de Steven Spielberg ni oublier les films de Robert Rodriguez ne sont point des produits…En fait si, désolé de briser les illusions cinématographiques de certains mais la pop culture a accouché de plus de produits que de chefs d’œuvre (il y en a eu Blade Runner, Ghost In the Shell, Brazil par exemple) mais il faut être intellectuellement de mauvaise foi pour crier au génie digne des Ford, Murnau, Hawks, Kurosawa ou Renoir lorsque l’on voit Avatar, King Kong, Alita et consorts. Ce sont également des produits formatés mais le quotidien de nos contemporains à écourté leur mémoire et embelli comme à l’accoutumée les souvenirs.
Ce qui fascine et qui agace tout autant au sein de la franchise Marvel Cinematic Universe c’est bel et bien leur construction en forme de série télévisée qui a entraîné une somme conséquente de long-métrages ces dernières années, avec la réussite au box office que l’on connaît mais également de véritables réussites formelles pas à la hauteur d’un Blade Runner c’est certain mais au moins des King Kong et Avatar. La force de cet univers tient à la fois dans une exposition au cas par cas et un teasing permanent qui se réfère aux autres films comme les épisodes d’une véritable série télévisée. Ce nombrilisme déconcerte, énerve mais se pare d’une véritable nouveauté dans l’Histoire du cinéma.
Si un art veut que ses praticiens fassent évoluer leur époque, il est donc difficile de remettre en question cet aspect apporté par les studios Disney ces dernières années. Certains se gausseront de ce qu’ils jugeront une recette marketing supplémentaire, d’autres reconnaîtront un véritable tour de force. Pour l’heure l’entreprise de la marque a repoussé les limites d’une des grandes définitions du cinéma. Pour le théoricien et critique Serge Daney, un film c’est l’invention du temps, comment se donner du temps pour raconter une histoire avant le mot fin. Le Marvel Cinematic Uinverse a si ce n’est redéfini au moins repoussé certes artificiellement les limites de ce concept essentiel.
Avengers Endgame pêche sans doute en raison d’une écriture inégale et le script s’avère tantôt élégant, tantôt maladroit. Il pêche aussi par un rythme décousu qui prend pourtant le temps d’exposer les uns et les autres. Beaucoup lui reprocheront son manque d’esbroufe. Pourtant, en faisant monter la tension crescendo et en refusant les artifices usuels dans les deux tiers du long-métrage, les frères Russo prennent le risque de se servir des formules pratiquées sur Rio Bravo ou Les Sept Samouraïs toute proportion gardée.
Mais surtout, puisqu’il s’agit ici de clore une saga conçue comme une série télévisée (vingt deux films comme vingt deux épisodes d’une saison classique sur petit écran), les deux cinéastes bouclent un parcours avec efficacité et un retour aux sources difficile à imaginer ces dernières années. Si le héros américain s’est mû en super héros depuis Richard Donner et si Joseph Campbell trace les destinées de moult protagonistes depuis plus de soixante ans, alors le Marvel Cinematic Universe par la conclusion de son Avengers Endgame scelle aussi bien le formatage définitif de tout un pan du cinéma qui a commencé bien avant lui, mais également modernise ce savoir faire hérité de l’auteur du Héros aux mille et un visages. Tout revient à une question d’origines comme le soulignait Samuel L. Jackson dans Glass il y a peu, mais aussi à savoir qui l’on est, sempiternelle interrogation de tout personnage de fiction.
Si la redondance doit être de mise, alors Avengers Endgame est bel et bien un produit. Jetable pour certains, juste consommable pour d’autres et pour le reste délectable. Force est de constater à l’arrivée qu’en dépit de ses défauts, de ses ratés, de cette aura mercantile que tous lui reprochent, le long métrage des frères Russo a le mérite de construire sa narration avec un classicisme éprouvé digne de certaines épopées d’antan. Epique c’est bel et bien le mot qui convient à cette conclusion.
Film américain de Joe et Anthony Russo avec Robert Downey Jr, Chris Evans, Mark Rufallo, Chris Hemsworth. Durée 3h01. Sortie le 24 avril 2019