Butcher’s Crossing, de John Williams

Dans les années 1870, persuadé que seule la nature peut donner un sens à sa vie, le jeune Will décide de quitter le confort de Harvard pour tenter la grande aventure dans l’Ouest sauvage. Son périple devra débuter à Butcher’s Crossing, un petit village isolé au cœur du Kansas. Il va d’abord rencontrer un chasseur, Miller, qui désire plus que tout aller chasser le bison dans un coin dont lui seul connaît le secret. Une expédition de quatre hommes se forme bientôt, où William Andrews part bientôt pour découvrir qui il est vraiment.

Le récit de John Williams est d’abord long à démarrer. Il faut du temps pour installer l’ambiance et camper les personnages. Il faut du temps au lecteur pour se familiariser avec eux, les découvrir, les sentir et peu à peu apprendre à s’en méfier. De cette histoire, nous savons d’emblée qu’il ressortira quelque chose de dramatique, mais à aucun moment il n’est permis d’envisager d’où viendra le danger. On sent poindre quelque chose qu’il nous est impossible d’anticiper réellement. En cela, ce roman est la preuve qu’une intrigue peut rester secrète jusqu’au bout, que la tension peut se nouer pour atteindre son comble quand l’auteur le souhaite. En somme, l’auteur fait de vous ce qu’il veut.

Il ne s’agit pas d’un simple roman de quête d’identité comme le suggère le résumé de couverture. William Andrews, personnage principal, devient attachant à mesure qu’il s’épanouit et s’étoffe. Il se cherche, et son identité viscérale se dévoile au fil de l’histoire, au fil de cette aventure dans laquelle il découvrira à quel point l’homme peut se perdre et se fourvoyer. A force de vouloir vivre trop fort, il risque sa vie. A vouloir découvrir la nature, il la trouve, la provoque, l’anéantit puis la subit. Cherchant sa propre identité, il finit voir se confondre et se perdre celle de ses compagnons.

Il s’agit des années 1870, et l’essor économique de l’Amérique est en plein bouleversement. L’économie repose sur un marché qui peut s’effondrer du jour au lendemain, rendant le futur des commerçants incertain, anéantissant sur son passage nature et espérances. D’une saison à l’autre, le temps peut changer subitement au gré du vent, et la nature se révéler un véritable piège pour qui veut la conquérir. Dans ce tourbillon d’incertitudes, au cœur de cette quête d’identité, d’horizons, quelle pourrait être la voie à suivre finalement ?

Au passage, le roman offre une critique acerbe de l’espèce humaine qui ne cesse de faire des ravages au nom de ses velléités mercantiles. Cela confère au roman un parfum assez actuel.

Il faut lire ce roman de John Williams, qui vous plongera au cœur de l’attente et de l’incertitude avant de vous précipiter soudainement au cœur de volontés multiples, animales, humaines, économiques, naturelles ou non. Il faudra lire entre les lignes et découvrir la nature humaine sous diverses facettes. Un excellent roman hivernal.

Butcher’s Crossing, de John Williams, Traduction de Jessica Shapiro, Editions 10-18.

About Stéphanie Joly

D'abord critique littéraire dès 2004 pour le Journal de la Culture, puis pour la Presse littéraire. Collabore ensuite au Magazine des Livres, et à Boojum, l'animal littéraire en ligne. Tient un blog depuis 2003. Son nouveau site s'intitule désormais Paris-ci la Culture. Il parle de littérature, toujours, de cinéma, de théâtre, de musique, mais aussi de publicité, de séries TV. En bref : de Culture. Avec Paris-ci la Culture, la Culture a son divan, mais surtout, elle est relayée LIBREMENT. PILC Mag vient compléter le tout presque chaque mois : un magazine gratuit en ligne hébergé sur Calameo.