Un historien de la marine allemande
L’amateur doit à François-Emmanuel Brézet, ancien officier de marine, plusieurs ouvrages sur la marine allemande durant les deux guerres mondiales. On lui doit ainsi un ouvrage sur la bataille du Jutland (Economica, 1992 et réédité en 2011) une histoire de la marine allemande (Perrin, 1999), une biographie du grand amiral Dönitz (Perrin, 2011) et bien sûr une synthèse très utile intitulé La guerre sous-marine allemande 1914-1945 (Perrin, 2017). Il revient ici avec un dernier livre sur le rapport qu’entretenait Hitler à la mer, à la marine et à la stratégie maritime.
Le malentendu
Au fond on en vient en lisant ce livre à se poser la question suivante : Hitler a-t-il compris un jour l’utilité d’une marine de guerre ? De l’expérience de la première guerre mondiale, il a retiré deux enseignements : la marine n’a pas servi à grand-chose (sans compter le rôle subversif des marins dans l’effondrement du IIe Reich) et l’Allemagne ne doit plus jamais avoir l’Angleterre comme ennemie. L’accord naval signé en 1935 acte l’infériorité de la marine allemande, en pleine reconstruction, face à la Navy. De plus Hitler ne croit pas au développement d’une grande marine de surface, préférant octroyer les matières premières comme le fer à la Wehmarcht. Si la Kriegsmarine et son chef, l’amiral Raeder, jouent un rôle décisif dans l’invasion de la Norvège, c’est au prix de lourdes pertes. Après la défaite de la France, Raeder, pour abattre l’Angleterre, en vient à soutenir les demandes de réarmement de Vichy, en qui il voit un partenaire naturel grâce à la flotte française, ce qui ne sera jamais le point de vue de son führer. De fait, il se marginalise.
L’échec de la guerre sous-marine
Brézet en a déjà parlé mais passé fin 1942, l’efficacité des U-Boote contre les convois alliés diminue, la bataille de l’Atlantique est perdue. Hitler n’a en fait définitivement jamais compris la stratégie navale et est resté prisonnier d’idées schématiques préconçues sur l’efficacité de la marine. Dönitz, successeur de Raeder, ne dira ou ne fera jamais rien pour le contrarier, se comportant comme un admirateur et non un conseiller. Loin des fantasmes sur le Bismarck (très bon navire au demeurant), voici donc l’histoire d’un rendez-vous raté, heureusement d’ailleurs pour les Alliés.
Sylvain Bonnet
François-Emmanuel Brézet, Hitler et la mer, Perrin, juin 2019, 350 pages, 23 €