Un historien canadien
Professeur d’histoire et d’ethnologie à l’université de Laval, Laurier Turgeon s’est fait remarquer par un livre, Patrimoines métissés : contextes coloniaux et postcoloniaux, qui a reçu le prix Luc-Lacourcière en 2005. Avec Une histoire de la Nouvelle-France publié chez Belin cette année, il adopte une approche assez nouvelle de la question de la colonisation française en Amérique du Nord en privilégiant les axes de rencontre, notamment commerciaux, entre français et amérindiens aux XVIe et XVIIe siècles.
L’histoire par les échanges
Pourquoi les français viennent au Canada ? Ce sont d’abord des expéditions de pêche lancés par des armateurs basques, bordelais et normands qui viennent chercher un poisson de plus en plus recherché en Europe : la morue. Ici Laurier Turgeon montre à quel point la découverte et l’exploitation des ressources du nouveau-monde ont influencé l’Europe jusque dans ses modes culinaires. Pour le castor, c’est ici sa peau, qui sert à fabriquer des fourrures et des chapeaux, qui est l’objet de transactions avec les amérindiens. Contre quoi ?
La transformation des civilisations amérindiennes par l’Europe
Qu’en retirent les amérindiens ? la verroterie vendue leur va très bien. Ainsi des colliers de perles, fabriquées en France même, deviennent des objets de prestige pour eux, qu’ils gardent avec eux jusque dans la mort. Les chaudières en cuivre sont très prisées, on dit même que les indiens « font chaudière ». En fait, on assiste aux origines d’une société métissée, franco-indienne, violente mais qui ne débouchera pas sur l’extermination pour une raison simple : les français seront trop peu nombreux et préféreront jouer les arbitres dans les conflits entre Hurons et Iroquois. Et nombreux seront les indiens à faire le voyage vers la France, où ils apprendront la langue (toujours utile pour le commerce). Voici un point de vue original qui renouvelle les vues sur une colonisation finalement très méconnue. A découvrir.
Sylvain Bonnet
Laurier Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, Belin, mai 2019, 288 pages, 23 €