Un spécialiste du second empire
Eric Anceau est l’auteur de Napoléon III. Un Saint-Simon à cheval (Tallandier, 2012) et de L’Empire libéral, (éditions SPM, 2017), des ouvrages qui l’ont placé au cœur du petit cercle des historiens du XIXe siècle. Il revient ici avec un ouvrage aux ambitions vulgarisatrices, proposant des portraits des hommes et des femmes emblématiques du régime.
Un ouvrage au but louable
Il est vrai que si la figure de Napoléon III est connue, étudiée (Eric Anceau y a lui a même apporté sa pierre), d’autres sont plus dans l’ombre. Il y a par exemple son cousin, Jérôme, qui ressemblait de façon troublante à leur oncle mort à Sainte-Hélène, aux opinions politiques contradictoires mais qui fut aussi un ardent défenseur des nationalités. N’oublions pas Morny, le demi-frère, jouisseur et profiteur, fondateur de Deauville et libéral impénitent (Alphonse Daudet en proposera un portrait saisissant dans Le nabab). Dans la case politique, Anceau propose des études intéressantes sur Persigny ou Thiers.
Artistes et scientifiques
Le grand public découvrira que Pasteur fut un partisan fidèle de l’empereur qui finança ses travaux (pas mal pour un tyran), que Mérimée, ami d’Eugénie de Montijo, n’en gardait pas moins sa verve. On lit avec une certaine émotion le portrait de l’architecte Viollet-le-duc, qui restaura Notre-Dame et dont la flèche ornait la cathédrale jusqu’au récent incendie…
L’ennemi
Si Cavour et Victoria sont présents, c’est Bismarck, dans la catégorie des dirigeants étrangers, qui retiendra ici notre intérêt. Le prussien, aussi subtil que retors, berna Napoléon III. Ambassadeur à Paris, il avait appris à connaître le souverain et sa cour qu’il méprisait. Il se servit de sa sympathie pour les nationalités pour lui faire baisser sa garde et obtint l’éviction de l’Autriche de la sphère allemande en 1866 tandis que Napoléon III se ridiculisait avec ses « pourboires ». Quant à la falsification de la dépêche d’Ems, alors que la France venait de remporter une grande victoire diplomatique en évitant qu’un Hohenzollern s’installe sur le trône d’Espagne, elle tient du chef d’œuvre. L’Europe y gagna trois guerres… Voici en tout cas un très bon ouvrage d’histoire, présentant avec talent une période trop souvent caricaturée.
Sylvain Bonnet
Eric Anceau, Ils ont fait et défait le second Empire, Tallandier, avril 2019, 384 pages, 21,90 €