De Zola à Dreyfus
Professeur émérite à la Sorbonne nouvelle, spécialiste d’Emile Zola, Alain Pagès s’est logiquement intéressé à l’affaire Dreyfus, dans le sillage de Vincent Duclert à qui on doit la biographie définitive de la « victime ». On lui doit donc à Alain Pagès Emile Zola un intellectuel dans l’affaire Dreyfus (Séguier, 1991) et plus récemment Une journée dans l’affaire Dreyfus (Perrin, 2011), Zola et le groupe de Médan (Perrin, 2014). Il publie ces jours-ci dans la collection vérités et légendes L’affaire Dreyfus, une synthèse sur cette affaire qui déchira la société française.
Une affaire d’Etat
Rappelons les faits, comme le fait finement Alain Pagès. Un officier, Alfred Dreyfus, est condamné à la détention à perpétuité et à la dégradation militaire pour avoir espionné et vendu des secrets militaires à l’Allemagne. Or, il s’avère qu’il est innocent et que le véritable coupable est un autre officier Esterhazy. Pour couvrir l’armée et sauver l’honneur, l’état-major instaure ce qu’on appellerait un black-out, malgré les efforts du capitaine Picquart. Et puis Dreyfus est juif, aucun intérêt, circulez il n’y a rien à voir. Cependant, Zola relance l’affaire dans le journal de Clemenceau, « L’aurore », avec un article au titre célèbre : J’accuse. L’affaire ébranle l’Etat et consacre le rôle des intellectuels, pour le meilleur et pour le pire, sur la scène publique. Zola, nous dit Alain Pagès, reprend ainsi le flambeau laissé par Voltaire.
L’héritage
Les dreyfusards finissent par faire triompher la vérité. Ce qui était en jeu était une certaine conception de la justice et de la liberté face à la raison d’Etat. Ce débat traversera tout le siècle, jusqu’à la controverse au sujet de la torture pendant la guerre d’Algérie : Pierre Vidal-Naquet y verra une occasion de s’affirmer comme un « dreyfusard ». L’antisémitisme bien sûr constitue aussi une des clefs de lecture de l’affaire, les antidreyfusards s’affirmant en majorité anti-juifs mais attention, Picquart lui-même n’était pas exempt de préjugés (cela rend son engagement à la fois paradoxal et inestimable). A la lecture de ce livre, on attend avec impatience le film de Roman Polanski, autre réprouvé, sur le sujet.
Sylvain Bonnet
Alain Pagès, L’affaire Dreyfus, Perrin, septembre 2019, 288 pages, 13 €