Si Faust m’était conté
New York, 1955. Harry Angel, détective privé est engagé par un mystérieux commanditaire pour retrouver la trace d’un ancien crooner, Johnny Favorite. L’investigation d’Angel va le conduire sur une route jonchée de cadavres…Le début d’une plongée dans les abysses…
Alan Parker appartient à cette caste de réalisateurs portés temporairement par l’engouement public tantôt pour des œuvres considérées cultes, tantôt pour des essais maladroits quelque peu surévalués. A son actif, beaucoup se remémorent de Midnight Express, Fame, Birdy ou encore Mississipi Burning. Son cinéma capable de fulgurances extirpe très souvent et pas toujours habilement toute la noirceur de sujets parfois déliquescents.
Parmi sa filmographie, Angel Heart incarne à la fois ce qu’il y a de plus brillant dans son œuvre, malgré des lourdeurs formelles qui lui collent à la pellicule encore et toujours.
Alors au sommet de sa notoriété, Alan Parker réussit le tour de force d’engager deux des acteurs les plus en vue du moment : Robert de Niro alors au faîte de sa gloire et la star montante Mickey Rourke révélé par l’Année du dragon.
La réunion entre les deux hommes fut d’ailleurs particulièrement houleuse ; leur rivalité affichée devant et derrière les caméras permit en revanche de porter le film encore plus haut, leur jeu se bonifiant grâce à leur antagonisme non dissimulé avec en point d’orgue la fameuse scène improvisée de l’œuf…
Le long-métrage quant à lui débute comme un film noir classique entraînant son protagoniste sur un chemin qu’il n’aurait jamais dû emprunter appâté par un gain illusoire. Pourtant, très vite le film bascule dans le thriller ésotérique pour flirter allègrement avec le fantastique. Parker prend alors un malin plaisir à brouiller les pistes, fort d’un cut et d’une ambiance sonore fort maîtrisés. En outre, il excelle de nouveau dans la création d’une atmosphère moite, sordide, quasi malsaine, oppressante et criante de vérité. Le choix judicieux de ne montrer que les cadavres plutôt que l’acte meurtrier amplifie aussi bien l’aura mystérieuse de l’ensemble que l’entreprise de suggestion désirée par le cinéaste.
En revanche, les allégories ostentatoires disséminées tout du long avec notamment les scènes d’ascenseur ne feront mouche qu’une fois. L’intrigue éventée et le film visionné une seconde fois interpelle par moments par le manque de finesse, la faute en incombe à un langage cinématographique parfois limité, utilisé par Parker.
Pourtant, la difficulté à revoir le film permet de souligner l’importance même du travail d’Alan Parker. L’utilisation d’un twist même si l’idée n’était point nouvelle, avec un impact émotionnel marquant fortement sur le moment le spectateur annonçait déjà les futurs travaux de Fincher, Singer ou Nolan. Fincher d’ailleurs a certainement été influencé par l’amalgame entre meurtre et religion pour Seven, de même que pour le rendu nihiliste quasi insupportable. En outre, certaines idées seront reprises par La neuvième porte de Roman Polanski.
Certes, Parker n’est ni Tourneur, ni Bava, ni Carpenter ou Friedkin pour distiller la peur à l’écran. En revanche même s’il reste à l’ombre des maîtres de l’angoisse, le metteur en scène approche par moments l’œuvre des plus grands lorsqu’il se plaît et complaît dans le malaise, le mal être, la description du mal à l’état pur. A bien des égards, Angel Heart est une œuvre culte, séduisante à l’instar de ses personnages conquis par les promesses des ténèbres.